La bronchiolite aiguë du nourrisson reste un enjeu au regard du nombre de recours qu’elle suscite, auprès des médecins généralistes, pédiatres et urgences. Dans ses formes communautaires sans comorbidité associée, évaluer la gravité est un moment clef de l’examen médical : la saturation en oxygène est apparue comme un paramètre séduisant, car de mesure facile et objectivant l’hypoxémie, laquelle représente un marqueur de gravité de la pathologie respiratoire.
La mesure de la saturation en oxygène à l’aide de l’oxymétrie de pouls (SpO2 %) nécessite toutefois d’en déjouer les pièges et maîtriser les fondamentaux (lire encadré).
Chez le nourrisson ayant une bronchiolite, l’insuffisance respiratoire aiguë relève d’une oxygénothérapie, dont l’objectif est d’obtenir SpO2 % > 94 % en éveil et > 92 % pendant le sommeil.
Un seuil trop large
La cyanose est un signe clinique de l’insuffisance respiratoire spécifique, peu sensible et difficile à évaluer. Les indications actuelles à l’hospitalisation, qui reposent sur un seuil de SpO2 % < 94 %, sont trop larges : tous ces nourrissons ne relèvent pas forcément d’une oxygénothérapie. Des études nord-américaines ont montré que, lorsqu’on affichait volontairement des saturations surestimées (oxymétries modifiées pour l’étude), on diminuait le nombre d’hospitalisations. Les recommandations établies par la société pédiatrique de pneumologie et d'allergologie retiennent un seuil SpO2 % ≤ 92 % pour une indication formelle de l’oxygénothérapie, et une surveillance hospitalière (1).
Cependant, il est bien établi que la SpO2 % n’est pas suffisante à elle seule pour les décisions d’hospitalisation et doit être interprétée dans le contexte clinique. Ainsi, une hypoxémie débutante (SpO2 % < 95 %) sera considérée comme un signe de gravité s’il existe une détresse respiratoire marquée chez un nourrisson de moins de 3 mois.
Des études à pondérer
Enfin, un débat nord américain, peu repris en Europe, porte sur un seuil encore plus bas, inférieur ou égal à 90 %. Ce seuil représente l’inflexion de la courbe de dissociation, et définit de façon un universelle l’hypoxémie grave.
Des études nord-américaines, comparant des nourrissons avec oxymétrie réelle ou falsifiées, ont montré que ce seuil était acceptable pour la prise en charge à domicile sans oxygène, et ont été validées par leurs recommandations. Seuls les évènements de recours sont évalués : l’effet bénéfique de l’oxygénothérapie sur l’hypoxémie et ses conséquences physiologiques ne sont pas prises en compte dans ces études. Il n’y a pas eu de contrôle de la PaO2 pour s’assurer que la SpO2 % reflétait la saturation. La conclusion de certains de ces articles a été très prudente. En effet, une application stricte de ces résultats revient à renvoyer chez eux des nourrissons en insuffisance respiratoire aiguë sans traitement de support par oxygène.
Au total, le seuil de SpO2 % ≤ 92 % est celui retenu pour une indication à une oxygénothérapie dans la bronchiolite aiguë, en France et en Angleterre (2). Il est à moduler en fonction des autres signes de gravité associés, en particulier l’intensité de la détresse respiratoire.
Pneumologie et allergologie pédiatrique et CRCM. Chef du département de pédiatrie médicale (Rouen)
(1) www.sfpediatrie.com
(2) www.nice.org.uk
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