Depuis des millénaires, sexe et foi entretiennent des relations passionnelles. Les religions se sont pratiquement toutes arrogé le droit d’ingérence dans la sexualité des individus à travers le dogme. On voit combien, encore en occident et à notre époque, le thème de la parentalité reste très sensible pour les clercs, qui frémissent dès qu’on aborde le mariage pour tous, PMA, GPA, etc. C’est que la parentalité pose directement le problème du lignage et de l’héritage, aussi n’est-il pas question qu’une femme puisse être fécondée par un autre que le chef de famille. Une sexualité plus libre ouvrirait les idées à l’autonomie et la voie à une perte du contrôle social. Et c’est bien sur ce point précis que se rejoignent religieux et conservateurs qui, ni les uns ni les autres, n’ont intérêt à une remise en question de l’ordre social susceptible de saper leur autorité.
Il faut être conscient de cet état des choses pour échapper à certains pièges, lorsqu’on souhaite permettre une certaine émancipation. L’enjeu est d’éviter de tracer un antagonisme vis-à-vis d’une religion, de celles et ceux qui la pratiquent ou s’en revendiquent. « Le premier écueil serait d’attribuer exclusivement à la religion ce qui relève des usages de sociétés patriarcales, qui par définition assignent les femmes à un rang subalterne, lequel généralement préexistaient aux religions. Il ne faut pas non plus tomber dans les filets de l’anachronisme – avec une démarche qui est justement celle des fondamentalistes – en réutilisant les textes sortis de leur contexte, souligne Nadia El Bouga, sage-femme sexologue à Garges-lès-Gonesse. Ils ont été écrits, voire réécrits, à une époque et dans une société donnée et ne peuvent prétendre à l’universalisme ».
Retrouver les écrits érotiques du monde arabo-musulman
« On ne voit généralement l’Islam qu’à travers le prisme déformant de l’islamisme radical alors que, dans le monde arabo-musulman, a existé un Islam des lumières avec notamment des écrits concernant l’érotisme et la sexualité, poursuit la sage-femme. C’est à nous musulmans de ressortir ces textes qui ont été – et sont toujours — bannis dans certains pays et de les faire lire ». Citons par exemple « Les délices des cœurs », d’Ahmad al-Tifachi (1184-1253), « La prairie parfumée » de Cheikh Nefzaoui au XVe siècle, et bien sûr « Les mille et une nuits », mentionnées dès le Xe siècle, mais aussi « Le kama-sutra arabe » de Malek Chebel, publié en 2006 : conçu comme un manuel de savoir-vivre amoureux et d’éducation sexuelle, il retrace deux mille ans de littérature érotique arabo-musulmane, avant la mainmise du dogme sur la sexualité. « La nouveauté serait de réhabiliter et recréer un érotisme arabo-musulman au féminin car toutes et tous y gagneraient », souhaite Nadia El Bouga.
Un art qui s’apprend
Arabo-musulmans ou non, l’objectif dans tous les pays est de travailler pour une éducation sexuelle et sensuelle. Faire l’amour est un art qui s’apprend, et il faut travailler les étapes de « l’agir érotique », pour améliorer la qualité de la rencontre érotique et sexuelle, en apportant des outils comme l’approche sexo-corporelle. « Les femmes arabes ont en elle une sensualité qui ne demanderait qu’à s’exprimer, mais beaucoup sont dotées d’une Ferrari dernier modèle qu’elles conduisent comme une deux-chevaux ! », considère Nadia El Bouga. Il faut les autoriser à exprimer leurs désirs, leurs besoins, l’amour de soi et l’amour des autres, renommer les choses car ce qui est nommé sort de l’ombre. Les femmes musulmanes, mais aussi les hommes, en perçoivent de plus en plus la nécessité. Le hashtag #MosqueMeToo est passé inaperçu des non musulmans mais il a permis de montrer, y compris aux Imans, que les recommandations uniquement dogmatiques ne suffisent plus.
Article précédent
Il faudra réinventer les codes
Article suivant
Des machines à la frontière de l'humanité
La virilité au cœur des attentions
Une meilleure information sur la vasectomie
Il faudra réinventer les codes
Les religions contre le sexe
Des machines à la frontière de l'humanité
Mieux cibler les actions de santé sexuelle
Espoirs et déboires de la contraception
Redonner du sens aux messages de prévention
Nouvelles subversions des soixante-huitards
Un nouveau modèle impulsé par l’homosexualité ?
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024