Originaire du Cameroun, Pierre* n’a jamais envisagé une autre voie que la médecine. Et pour réaliser son rêve, celui qui est actuellement interne en ophtalmologie, a d’abord misé sur la France. Pourtant, son internat, il le réalise actuellement en Allemagne, en espérant revenir ensuite exercer dans l’Hexagone.
Retour en 2006 au Cameroun. Malgré la réussite au concours d’une école privée de médecine camerounaise, Pierre ne peut y entrer en raison de frais de scolarité trop élevés. Ils s’élèvent à 1 600 euros par an dans un pays où le revenu mensuel moyen est de 200 euros, un sacrifice trop lourd pour sa famille. Il se résigne à intégrer l’université publique, pour y suivre des études de physique, mais toujours avec l’idée de rejoindre le vieux continent par la suite. Deux stages, l’un en médecine nucléaire et l’autre en radiothérapie, le ramènent à la médecine. « Ces expériences ont renforcé mon envie de devenir médecin. Depuis ma licence, je préparais mon dossier afin d’être accepté dans une université française », confie-t-il. Avec une licence et un double master en physique, il ne peut prétendre à la passerelle pour intégrer directement le cursus en médecine et échapper au concours de première année. En 2014, il s’inscrit donc en Paces à l’Université Paris-Saclay (première année commune aux études de santé).
« J’ai pu faire un stage pendant mon externat à la faculté de médecine Paris-Saclay en ophtalmologie, cela a été un déclencheur. J’ai su que c’était la spécialité que je voulais faire », se souvient Pierre, alors interne en 3e année de médecine. Mais, au moment des ECN (épreuves classantes nationales), c’est la douche froide. Classé 3 000e, il n’a aucune chance d’intégrer cette spécialité en France. Plutôt que de renoncer, il décide de partir en Allemagne.
Une fois l’externat terminé à Paris, faute de pouvoir intégrer la spécialité de son choix, Pierre décide de s’envoler pour l’Allemagne. Plusieurs documents sont nécessaires pour poursuivre ce cursus Outre-Rhin : l’équivalence de diplôme et des niveaux élevés en “langue courante et médicale” sont exigés. Pour atteindre son but, de septembre 2020 à fin mai 2021, il ne suit que des cours intensifs d’Allemand. Il lui faut prouver un niveau avancé en langue générale et expérimenté en langue médicale. « Honnêtement, même avec un niveau expérimenté, reconnaît-il aujourd’hui, c’est compliqué ».
Le parcours du combattant continu
Son Fachsprachprüfung, examen de langue pour les étudiants en médecine, en poche, il ne lui reste plus qu’à trouver un stage qui lui permette de faire sa spécialisation. « En Allemagne, le système est très différent. Il faut chercher soi-même son poste d’interne. Tu postules comme pour n’importe quel autre travail. Les étudiants germaniques passent leur dernière année de stage dans la spécialité qu’ils veulent obtenir », explique-t-il. Mais sa persévérance paie. Au bout de 4 mois, il trouve un poste d’interne en ophtalmologie dans un hôpital allemand. « Ici aussi, l’ophtalmologie est une spécialité prisée », concède-t-il.
À présent, il lui reste deux ans à effectuer avant de faire valider son « Logbuch, un portofolio avec toutes tes compétences. Elles sont validées par tes maîtres de stages. C’est pourquoi il est important de choisir les stages qui te permettent de valider les compétences », explique-t-il. Une fois son Logbuch complet, il pourra l’envoyer au Bundesärztekammer, (Ordre fédéral des médecins en Allemagne) , qui lui permettra de passer l’examen final. Le jeune médecin compte revenir en France.
*le prénom a été changé
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