Neuropathies, gastralgies...

Et si c'était le médicament ?

Publié le 04/12/2015
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Crédit photo : GARO/PHANIE

Si l’on connaît assez bien les médicaments à l’origine d’hyper- kaliémie, d’HTA ou encore d’insuffisance rénale, ceux pourvoyeurs de douleurs restent méconnus et peu référencés. Pourtant, les douleurs d’origine médicamenteuses constituent une vraie réalité comme cela a été souligné lors du récent congrès de la SFETD. « C’est en fait un sujet extrêmement vaste, explique le Pr Gisèle Pickering (centre de pharmacologie clinique, CHU de Clermont-Ferrand), avec différents types de douleurs concernées – tant aiguës que chroniques –, différents médicaments incriminés et divers mécanismes physiopathologiques impliqués. »

Le paradoxe des antalgiques

Les douleurs induites par les antalgiques comme les céphalées par abus médicamenteux sont sans doute les mieux documentées même si le mécanisme physiopathologique en cause reste à préciser. « Si la caféine contenue dans certains antalgiques a été à l’origine incriminée, il semble que ce soit davantage un ensemble de médicaments qui est en cause plutôt qu’une molécule en particulier », explique le
Pr Pickering. Le traitement passe par le sevrage en antalgiques ou, au moins, un changement de molécules.

Autres douleurs liées aux antalgiques moins connues : l’hyperalgésie aux opioïdes. Plusieurs études menées chez l’animal, depuis le début des années 1970 suggèrent que l’exposition aux opiacés pourrait aboutir de façon assez paradoxale à une hypersensibilisation du système nerveux à la douleur avec, à la clé, une aggravation de la souffrance initiale. Chez l’homme le phénomène a été décrit en postopératoire avec le Fentanyl mais il pourrait aussi concerner des douleurs chroniques et impliquer d’autres molécules comme la morphine ou même l’oxycodone même si pour le moment cela n’a pas été démontré. « Il faut savoir y penser quand un patient sous opioïdes voit ses douleurs augmentées alors même que l’on augmente les doses prescrites », explique le Pr Pickering.

En fait, « beaucoup de molécules antalgiques peuvent entraîner des douleurs », poursuit la spécialiste. Le constat vaut aussi pour les AINS bien connus pour leur toxicité gastrique. Mais les gastralgies ne sont pas l’apanage des anti-inflammatoires et d’autres molécules comme les biphosphonates et les tétracyclines ont aussi été incriminées. Ces douleurs peuvent parfois être évitées avec de petits moyens comme la prise d’un grand verre d’eau lors de leur ingestion.

À côté de ces douleurs liées aux antalgiques l’autre grand bloc des douleurs d’origine médicamenteuse concerne la chimiothérapie. De nombreuses substances utilisées en cancérologies sont en effet neurotoxiques et peuvent provoquer d’authentiques neuropathies. Celles-ci peuvent apparaître pendant le traitement mais aussi à distance, parfois 6 à 8 mois après, et leur survenue dépend du type de médicaments mais aussi des doses utilisées.

Des douleurs musculaires d’origine médicamenteuse ont aussi été décrites, notamment avec les statines. Mais, souvent, le « lien n’est pas fait avec le traitement et le tableau clinique peut être pris à tort pour une fibromyalgie ».

Plus globalement « de nombreux cas de douleur sont régulièrement rapportés dans les signalements de pharmacovigilance » et les pharmacologues s’attachent à préciser les choses. « Il n’existe pas encore d’inventaire exact mais nous y travaillons et nous espérons pouvoir publier d’ici cet été une liste des médicaments pouvant contribuer à des phénomènes douloureux », promet le Dr Pickering. A suivre donc... 

 


Source : lequotidiendumedecin.fr