Émergence

Les nouveaux diabètes médicamenteux

Publié le 28/03/2014
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Crédit photo : VOISIN/PHANIE

Si les corticoïdes sont les premiers médicaments pourvoyeurs de diabète secondaire – du fait d’une insulinorésistance induite – ils ne sont pas les seuls. Avec notamment d’authentiques diabètes liés aux antipsychotiques de dernière génération voire à certaines thérapies ciblées anticancéreuses dont l’utilisation va croissant..

Antipsychotique atypique

En dehors de tout traitement, les personnes schizophrènes et bipolaires ont déjà un risque accru de troubles métaboliques (dyslipidémies, hypertension, risque de diabète de type 2 jusqu’à 5 fois supérieur...) lié pour beaucoup à une hygiène de vie globale souvent0 défectueuse. « Sur ce contexte à risque viennent se greffer les antipsychotiques atypiques qui peuvent aggraver et déclencher très rapidement des troubles métaboliques avec une prise de poids (3 à 4 kg à 4 semaines mais parfois bien plus), et des maladies métaboliques au sens large comme les dyslipidémies mais aussi un diabète », alerte le Pr André Scheen (chef de service de Diabétologie, Nutrition et Maladies métaboliques, CHU de Liège).

Sous traitement, ces patients « peuvent développer une intolérance au glycose, une glycosurie, des hyperglycémies, un diabète avéré mais aussi – et c’est ce qui nous interpelle –, ajoute le Pr Bruno Fève (service d’Endocrinologie-Métabolisme, hôpital Saint- Antoine, Paris), une acidocétose voire des comas diabétiques sur acidocétose. Les recherches ont identifié deux types de diabète induits par ces antipsychotiques : des diabètes apparentés au type 2 -les plus fréquents- et ceux apparentés au type 1 à risque de coma, de décès, avec une détérioration rapide et dont le mécanisme principal est une carence insulinosecrétoire. »

Deux molécules sont à surveiller de près : l’olanzapine et la clozapine qui induisent une prise pondérale importante et précoce, de l’ordre de 5 kg – voire parfois 15 à 20 kg – et sont aussi le plus associées à la survenue d’un diabète et de troubles lipidiques. Il faut avoir à l’œil les patients concernés et commencer, en pré-thérapeutique, par une évaluation comprenant une pesée, la mesure du tour de taille, un test d’intolérance au glucose ou du moins une glycémie à jeun et un bilan lipidique à jeun. « Dès 4 semaines sous traitement il faut vérifier une éventuelle prise de poids et le cas échéant délivrer des conseils hygiéno-diététiques et, à 3 mois, réévaluer le poids, la PA, la glycémie à jeun et faire un bilan lipidique, détaille André Scheen. Si des anomalies importantes apparaissent il faut discuter avec le psychiatre pour éventuellement switcher le traitement et, si cela n’est pas possible, traiter chaque complication métabolique. » En cas de switch, la crainte de la décompensation psychiatrique est forte mais « c’est pertinent lorsque la personne a pris plus de 7% de son poids initial, estime Bruno Fève, en cas d’apparition ou d’aggravation d’une HTA, de dyslipidémies, d’hyperglycémie et bien sûr d’un évènement CV ».

Thérapies ciblées

Certaines thérapies ciblées utilisées en cancérologie (inhibiteurs de mTOR notamment et, dans une moindre mesure, inhibiteurs de la tyrosine kinase) peuvent aussi avoir un impact sur la glycémie. Or avec l’élargissement récent de leurs indications, c’est potentiellement des milliers de patients qu’il faut surveiller vis-à-vis de leurs paramètres lipidiques et glycémiques.

« Les médecins vont être de plus en plus confrontés aux toxicités métaboliques (et notamment glycémiques) induites par ces thérapies ciblées, avertit le Dr Romain Coriat (pôle d’Hépato-Gastro-Entérologie médico-chirurgical, hôpital Cochin, Paris). De nombreux cancers aujourd’hui sont combattus au moyen de ces molécules et les ImTOR sont validés depuis peu dans le cancer du sein où les prescriptions vont croissant. » Or une étude de 2011 avec l’everolimus (un inhibiteur de mTOR) dans les tumeurs neuroendocrines a identifié une toxicité à type d’hyperglycémie chez 13% des patients dont 5% de grade 3-4, c'est-à-dire pouvant mettre en jeu le pronostic vital.

À ce propos, la fréquence des hyperglycémies sous everolimus et temsirolimus va de 12 à 50% selon les études et les types de cancers et celle des hyperglycémies sévères de 5 à 12%. Point positif, cette toxicité est liée à la molécule et non pas au patient : dès que l’on arrête le traitement, tout signe métabolique disparait. Etre traité par un inhibiteur mTOR (everolimus, sirolimus, temsirolimus) expose de plus à une augmentation potentielle du cholestérol total entre 25 et 65% mais surtout du LDL-c de plus de 69% et des triglycérides de 55 à 80%. Sur le sujet, un consensus d’experts détaillant la « Prise en charge des anomalies métaboliques induites par inhibiteurs mTOR » est paru en février 2014.

 

Source : Le Généraliste: 2677