Le grand témoin

Pr Michel Galinier : 2017, l’année de l’insuffisance cardiaque aiguë ?

Par
Publié le 10/01/2017
le grand témoin

le grand témoin
Crédit photo : DR

Le traitement médicamenteux de l’insuffisance cardiaque aiguë  reste un défi à relever. En effet, il repose depuis plus de 30 ans sur les diurétiques de l’anse, associés en fonction du niveau tensionnel, soit aux vasodilatateurs, en pratique les dérivés nitrés, si la pression artérielle systolique est > 90 mmHg, soit aux inotropes positifs en cas de choc, le plus souvent la dobutamine (1), toutes les tentatives d’utilisation de nouvelles voies thérapeutiques ayant abouti à des échecs. Il en a été ainsi des antagonistes des récepteurs de la vasopressine (tolvaptan) et des récepteurs A1 de l’adénosine (rolofylline), des activateurs de la guanilate cyclase soluble (cinaciguat) et d’un peptide natriurétique recombinant humain (néséritide). Cette série noire continue en 2016 avec la présentation à l’American Heart Association (AHA) de deux nouveaux essais négatifs.

L’étude TRUE-AHF

Cette étude a testé l’intérêt d’un analogue synthétique de l’urodilatine, un peptide natriurétique, l’ularitide. Il provoque une vasodilatation systémique et rénale, une majoration de la natriurèse et de la diurèse ainsi qu'une inhibition du système rénine-angiotensine, dont les effets hémodynamiques et symptomatiques avaient été montrés au cours de deux essais randomisés, contrôlés (SIRIUS I et II).

Dans cet essai, 2 157 patients en insuffisance cardiaque aiguë avec une dyspnée de repos persistante malgré une dose ≥ 40 mg de furosémide intraveineux et une PAS ≥ 116 mmHg ont été randomisés pour être traités, soit par ularitide, soit par placebo. À 48 heures, l’utilisation de l’ularitide intraveineux est associée à une décongestion intravasculaire, comme le montre l’augmentation significative de l’hémoglobine, de la créatininémie et la diminution du NT-proBNP et des transaminases hépatiques, et à une baisse significative du nombre d’épisodes d’aggravation de l’insuffisance cardiaque en intrahospitalier. Aucune variation de la troponine T n’est cependant observée. Malgré cet effet favorable initial, après 36 mois de suivi, ni la mortalité cardiovasculaire, ni le critère combiné, ni les taux de réhospitalisations à J30 et à 6 mois ne sont significativement améliorés dans le groupe ularitide par rapport au placebo.

L’hypotension artérielle est l’effet indésirable le plus fréquemment observé sous ularitide.

Malgré ces résultats décevants, cet essai apporte un éclairage physiopathologique sur le traitement de l’insuffisance cardiaque aiguë. Ces résultats supposent en effet que les 2 voies physiopathologiques qui jalonnent l’insuffisance cardiaque aiguë: la voie de la congestion (rétention hydrosodée entraînant la distension des cavités cardiaques qui aboutit aux symptômes)  et  la voie lésionnelle (agressions myocytaires à l’origine de la progression de la maladie, des réhospitalisations et de la mortalité), sont indépendantes puisque la diminution de la congestion n’a pas eu d’impact sur les réhospitalisations et la mortalité cardiovasculaire à 6 mois.

L’étude ATHENA-HF

Cette étude a testé l’intérêt de l’utilisation précoce et à forte posologie des antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes dans le but de lutter contre la congestion par leur action natriurétique et d’atténuer les effets de l’activation du système rénine-angiotensine accrue par l’utilisation des diurétiques de l’anse par voie intraveineuse.

Dans cet essai, 360 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque aiguë ont été randomisés dans les 24 heures suivant la première injection de diurétiques de l’anse pour être traités soit par 100 mg/jour de spironolactone pendant 96 heures, soit par placebo. Le critère primaire, la réduction à 30 jours du taux de NT-proBNP, n’est pas significativement différent entre les deux groupes. Aucun des paramètres secondaires n’est également différent entre les deux groupes : soulagement de la dyspnée, réduction de la congestion clinique, augmentation de la diurèse, perte de poids, réduction des évènements cliniques. La spironolactone malgré sa dose élevée a été bien tolérée, aucune différence significative n’étant observée entre les deux groupes pour les taux d’aggravation de la fonction rénale ou d’hyperkaliémie.

Tous les espoirs se portent maintenant sur la sérélaxine, peptide recombinant humain de la relaxine, qui non seulement avait diminué au cours de l’essai RELAX-HF la survenue d’une aggravation de l’insuffisance cardiaque durant la phase hospitalière, mais également la mortalité à 180 jours qui n’était cependant qu’un critère tertiaire de sécurité. La diminution des biomarqueurs de souffrance viscérale constatée en phase aiguë sous sérélaxine, notamment de la troponine, pourrait expliquer cet effet favorable à long terme. Ainsi cet agent pourrait agir aussi bien sur la voie de la congestion, comme en atteste l’amélioration de la dyspnée, que sur la voie lésionnelle. Les résultats de l’étude RELAX-HF2, dont l’objectif est de démontrer une diminution de la morbimortalité sous l’effet de la sérélaxine, annoncés pour 2017, sont donc très attendus.

Fédération des Services de cardiologie, CHU Toulouse-Rangueil, Toulouse

Pr Michel Galinier

Source : lequotidiendumedecin.fr