En cas d’épidémie avérée, la prise en charge en ambulatoire des patients atteints de SARS-CoV-2 vous semble-t-elle ineluctable?
Pr Pierre Tattevin : C’est indispensable si l’on veut que les hôpitaux tiennent le coup mais c’est aussi tout à fait raisonnable médicalement. Il n’y a pas de perte de chance pour les patients s’ils sont bien sélectionnés.
Sur quels critères un médecin pourra-t-il renvoyer un patient malade à domicile ?
Pr P. T. : Des hôpitaux ont déjà commencé à y réfléchir et ont proposé des critères permettant de renvoyer à domicile certains cas confirmés. En gros, et c’est du bon sens, il faut que le patient n’ait aucune défaillance, ni neurologique, ni cardiaque, ni respiratoire. Il faut être sûr que le patient ne côtoie pas des gens fragiles à domicile (sous chimiothérapie par exemple). Enfin, le patient ne doit pas être trop isolé et être capable d’utiliser les moyens modernes de communication en cas de souci. En ville, on pourrait s’inspirer de ces critères mis en place à l’hôpital, même si les généralistes auront surtout à prendre en charge des suspicions plutôt que des cas confirmés.
Justement, faudra-t-il continuer à tester tous les patients pour confirmer le diagnostic ?
Pr P. T. : En pleine épidémie, cela n’aura pas beaucoup de valeur. On pourra se satisfaire d’une règle stipulant que tout patient atteint d’une affection respiratoire fébrile doit porter un masque et rester tranquille à la maison jusqu’à ce qu’il aille mieux. Ce d’autant plus que nous n’auront pas avant plusieurs mois de test rapide comme pour la grippe.
Face à un syndrome grippal, y a-t-il des signes cliniques qui permettent de distinguer SARS-CoV-2 et grippe ?
Pr P. T. : En gros, ce sont les mêmes symptômes, la même histoire clinique, avec peut-être une tendance un peu plus importante à donner des pneumopathies.
Quelle doit être la surveillance à domicile ? Comme l’aggravation survient souvent après 8 à 10 jours, faut-il revoir les patients à ce stade ?
Pr P. T. : La surveillance repose avant tout sur la prise de température (2 fois/j) et l’évaluation de l’état respiratoire via la fréquence respiratoire ou un petit questionnaire. Il a aussi été proposé d’utiliser la technique des « empans » : le patient compte tant qu’il peut sans reprendre son souffle, ce qui donne un score de départ et permet ensuite de détecter une éventuelle détérioration. Pour la température, c’est surtout la cinétique qui est intéressante. Il ne faut pas revoir les patients systématiquement, d’une part parce qu’il ne semble pas y avoir de signes prédictifs d’une aggravation, et surtout parce qu’il faut vraiment éviter de déplacer ces malades, a fortiori dans des cabinets médicaux.
Y a-t-il des patients à risque pour lesquels il faut être plus vigilant ?
Pr P. T. : D’après ce que l’on sait, les facteurs de gravité sont essentiellement l’âge et les comorbidités cardiovasculaires et respiratoires, mais pas l’obésité ni la grossesse, contrairement à la grippe. Quant à savoir s’il faudra hospitaliser systématiquement les patients qui présentent des facteurs de risque, cela doit être décidé au niveau national.
Quels médicaments pourra-t-on proposer à un patient qu’on renvoie chez lui ? Y a-t-il des traitements en cours à adapter voire à arrêter ?
Pr P. T. : À part des antipyrétiques si la fièvre est mal tolérée, il n’y a pas grand-chose. Les anti-tussifs n’ont pas démontré d’efficacité et pourraient même être délétères. Les AINS sont à éviter et les corticoïdes sont fortement déconseillés (des données suggèrent qu’ils aggraveraient plutôt les choses, NDLR). Par contre, si un patient est sous corticoïdes pour une autre affection, cela ne sert à rien de les arrêter car le temps que leur effet s’estompe, la maladie sera déjà passée.
* Société de pathologie infectieuse de langue française
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