LE QUOTIDIEN : Le nombre de médecins pratiquant la médecine esthétique en France augmente-t-il ?
Dr JEAN-FRANÇOIS DELAHAYE : Oui, ces dernières années, on constate un essor considérable. En tant que président du conseil régional de l’Ordre de Bretagne, je suis soumis à des demandes croissantes d’activité en médecine esthétique. Ce développement repose sur plusieurs facteurs. D’abord, les actes médico-esthétiques sont bien plus performants qu’il y a vingt ans. Ensuite, les réseaux sociaux créent une pression importante, une injonction à l’image qui suscite une demande. Nous constatons dans les conseils départementaux une hausse très nette du nombre de jeunes médecins qui viennent nous voir en disant : « Je veux faire de la médecine esthétique », parfois même immédiatement après la fin de leurs études. On observe aussi un autre phénomène : des médecins déjà installés, parfois depuis plusieurs années, qui quittent la médecine dite « classique » pour se reconvertir dans l’esthétique, perçue comme plus lucrative et moins contraignante. On reçoit également de plus en plus de demandes d’exercice en site secondaire spécifiquement pour faire de la médecine esthétique. C’est d’ailleurs comme ça qu’on découvre certaines de ces pratiques. Dans mon département, on reçoit deux à trois demandes par mois de médecins souhaitant ouvrir un second cabinet consacré à l’esthétique.
La pratique de la médecine esthétique compromet-elle l’accès aux soins ?
Oui. Même si on ne connaît pas aujourd’hui le nombre de consultations de médecine générale ou de spécialiste « perdues » à cause d’une réorientation vers l’esthétique, on estime que 10 % de la population française a consulté ou a fait l'objet d'un acte de médecine esthétique. En revanche, ce qu’on sait, c’est qu’empêcher les praticiens d’exercer la médecine esthétique augmentera l’exercice illégal de la médecine, avec à la clé de nombreuses complications (infections, nécroses, embolies, etc.), qui représenteront du temps médical et un coût élevé pour leur traitement. Il faut répondre à cette demande sociétale, sans toutefois déséquilibrer l’offre de soins.
Faut-il aller vers un encadrement plus strict, à l’image du plafond de 20 % imposé pour la téléconsultation ?
Le rôle de l’Ordre est de garantir des soins de qualité aux patients. Et un encadrement s'impose. Il ne faut pas tout interdire, mais pas tout autoriser non plus. Mais un encadrement chiffré, comme un pourcentage d’activité autorisé, est complexe à mettre en œuvre. Où placer le curseur ? Sur quels critères : temps, quantité ? C’est une équation difficile. Le bon équilibre, c’est celui d'une compétence qui ne se décrète pas mais qui découle d'une formation universitaire et d'une expérience entretenues. Il ne faut pas oublier que la médecine esthétique fait partie de la formation initiale des chirurgiens plasticiens et des dermatologues. Et parmi ces derniers, l'exercice exclusivement esthétique reste marginal. Il faut aussi comprendre que la valorisation des actes médicaux en dermatologie reste très faible. Pour certains, cette activité leur permet tout simplement de maintenir un équilibre économique.
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