Président du collectif « FakeMed », qui promeut une médecine basée sur les preuves scientifiques et combat les thérapies alternatives dont l'homéopathie, le cardiologue Jérémy Descoux, 31 ans, détaille au « Quotidien » les objectifs de son mouvement désormais constitué en association*.
Au-delà du soutien « juridique et moral » aux praticiens visés par des plaintes pour avoir signé la tribune anti-fake médecines publiée en mars dans « le Figaro », le collectif entend mieux informer le grand public sur ces « pseudo-médecines ».
LE QUOTIDIEN : Des dizaines de plaintes visant des médecins signataires de la tribune contre les thérapies alternatives dont l'homéopathie ont été déposées devant l'Ordre des médecins par deux syndicats – l'Union collégiale et le Syndicat des médecins homéopathes français. Où en sont-elles ?
Dr JÉRÉMY DESCOUX : Nous avons reçu 70 plaintes parce que nous avions rappelé le consensus scientifique autour des pseudo-médecines, à savoir que ce sont des pratiques de soins non conventionnelles. Les plaignants ont d'ailleurs spécifié sur leurs plaintes qu'ils ne voulaient pas débattre sur le fond, mais sur la forme…
Les conciliations devant les conseils départementaux de l'Ordre ont eu lieu. L'Union collégiale, qui a déposé dix plaintes, ne s'est présentée à aucune d'entre elles et le Syndicat national des médecins homéopathes non plus, pour la grande majorité.
Dans une quinzaine de cas, les homéopathes se sont présentés mais ont refusé toute conciliation ! Toutes les plaintes vont donc en chambre disciplinaire de première instance, au niveau régional, car ils veulent qu'on soit sanctionné, or s'il y a conciliation, il n'y a pas de sanction… Mais je ne pense pas que l'accusation de non-confraternité, sur laquelle nous avons été attaqués, tiendra. On ne vise pas un confrère en particulier, mais une pratique.
Depuis votre tribune, certaines facultés ont supprimé ou suspendu leur diplôme (DU) d'homéopathie. Un article au projet de loi de financement de la Sécu (PLFSS) ouvre la voie au déremboursement de l'homéopathie. Tout cela va dans le bon sens ?
Toute mesure qui vise à évaluer les médicaments sur des critères scientifiques va dans le bon sens pour notre collectif. Les pouvoirs publics se sont saisis de la question. Le fait que la ministre de la Santé Agnès Buzyn envisage un déremboursement de l'homéopathie et se pose sérieusement la question de continuer ou pas, nous amène à penser qu'il y avait un problème. Le Dr Olivier Véran [rapporteur général du budget de la Sécurité sociale] a également fait des remarques positives.
Lorsque quatre facultés suspendent leur diplôme universitaire d'homéopathie et qu'une le supprime, c'est aussi une bonne chose ! L'Université est censée valoriser l'enseignement scientifique, elle ne doit pas être le lieu pour apprendre les pseudo-médecines. La preuve de l'efficacité de l'homéopathie n'a jamais été faite et si certaines universités refusent cela, c'est problématique.
Maintenant que vous êtes une association, allez-vous mettre en place des actions spécifiques à destination du public ?
Oui. Quand on en aura terminé avec les plaintes, nous voulons mener des actions pour lutter contre les pseudo-médecines, qui s'appuient sur la crédulité des patients et leurs difficultés. Nous avons un gros travail à faire sur l'information grand public mais aussi avec les journalistes scientifiques.
Nous souhaiterions former – cela existe en Espagne – un observatoire des pseudosciences pour offrir un recours à tous les patients qui se sont fait prendre dans ce genre de pratiques. Il faut arriver à vulgariser et expliquer que « non, la médecine quantique ce n'est pas magique, c'est juste une escroquerie ».
En France, on part d'assez loin : il y a une certaine bienveillance de la part d'organes de presse vis-à-vis de ces médecines, notamment des magazines féminins. Cela vaudrait le coup de remettre un peu de scientificité dans tout ça, même si on n’est pas là pour interdire des pratiques !
Plus de six mois après la publication de votre tribune contre les médecines alternatives, votre état d'esprit combatif est-il resté intact ?
Oui, nous ne sommes pas prêts à désarmer ! On n'a pas envie de faire des excuses publiques, comme cela avait été demandé, ni de changer notre fusil d'épaule ! La science doit être notre boussole, ce sont les critères d'efficacité scientifiques qui doivent nous dire si on maintient un remboursement ou pas, et cela vaut pour tous les pans de la médecine.
On ne regrette absolument pas d'avoir écrit la tribune, nous allons continuer à avancer et à nous défendre aussi bien que possible.
* La première assemblée générale s'est tenue à Paris le 6 octobre. L'association a élu son conseil d'administration. Le bureau, présidé par le Dr Jérémy Descoux, a été élu le 13 octobre.
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