Alors que l'on cherche des moyens de mieux réguler et encadrer la chirurgie bariatrique de l'adulte, faut-il s'inspirer de la petite révolution réalisée par la chirurgie de l'obésité des moins de 18 ans ? De fait, depuis la révision de 2016 des critères HAS, la prise en charge pluridisciplinaire et le suivi de cet acte chirurgical se sont considérablement améliorés. Dans le même temps, le nombre d'opérations est passé de 142 en 2014 à seulement 57 en 2018, selon les données de la CNAMTS. Quatre centres spécialisés obésité (CSO) se partagent l'essentiel des opérations faites chaque année en France : les CSO de Lille, d'Angers et d'Ile-de-France Sud et Centre.
Pour le Dr Gianpaolo De Filippo, référent pédiatre impliqué dans la rédaction des recommandations, « on opère désormais les bonnes personnes, mais je ne pense malheureusement pas que l'on opère tous les adolescents qui en auraient besoin. On estime que 0,04 % des adolescents souffrent d'obésité sévère », rappelle-t-il.
Les critères physiologiques des adolescents éligibles à la chirurgie sont les mêmes que chez l'adulte : IMC > 40 kg/m2 ou IMC > 35 kg/m2 accompagné d'un diabète, d'un syndrome d’apnées du sommeil sévère, d'une hypertension intracrânienne idiopathique, d'une stéatohépatite sévère ou avec altération majeure de la qualité de vie. En revanche, les critères organisationnels sont plus stricts : une opération ne peut avoir lieu qu'après deux réunions de concertation pluridisciplinaire (RCP), séparées d'une période d'au moins 12 mois de suivi dans un CSO ayant une compétence pédiatrique reconnue.
Une efficacité encadrée
Pour le Dr De Filippo, la communauté médicale reste réticente à l'idée d'opérer les adolescents. « Les 12 mois qui séparent les deux RCP sont de plus perçus à tort comme une période d'attente inutile, constate-t-il. Or il s'agit d'un temps de préparation essentiel à la chirurgie et au transfert vers la médecine adulte. Certains médecins sont du coup tentés de conseiller à leurs jeunes patients d'attendre leur majorité pour entrer dans un parcours de soins adulte plus rapide. Mais leur suivi sera de moins bonne qualité. »
Les données de la littérature plaident en faveur de bons résultats de la chirurgie de l'obésité avant 18 ans. Selon une étude cas-contrôle suédoise, portant sur 81 adultes et 81 adolescents, ces derniers avaient un IMC réduit de 13,1 kg/m2 au bout de 5 ans, contre 12,3 chez l'adulte (1). Une autre étude, américaine cette fois, démontre le maintien de la perte moyenne d'IMC huit ans après l'opération : 36 kg/m2 contre 59 avant la chirurgie, soit environ 50 kg de moins par patient (2). Le taux de diabète des patients opérés a de plus fortement diminué (passant de 16 à 2 %), de même que celui des dyslipidémies (de 86 à 38 %) et de l'hypertension (47 à 16 %). Les auteurs notent toutefois que près de la moitié des patients souffrent d'anémie modérée, ainsi qu'un fort taux de carences en vitamine D et B12 (2).
Au sein de la cohorte de patients du CSO Paris Sud (plus de 130 adolescents en 6 ans), on observe en outre une observance exemplaire, avec seulement 20 % de perdus de vus à 5 ans. Pour le Pr Dagher, « à l'adolescence, la graisse n'est fixée ni dans la tête ni dans le corps. Il est plus facile de modifier les habitudes. La chirurgie reste un outil au service d'un changement de comportement ».
(1) T. Olbers et al, Lancet Diabetes & Endocrinology, 5, 174, 2017
(2) T. Hinge et al, Lancet Diabetes & Endocrinology, 5,165, 2017
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