Avant de proposer des substituts nicotiniques, la première étape est de déterminer la dépendance. Les tabacologues utilisent souvent le test de Fagerström : version classique en six questions ou simplifié en deux questions : nombre de cigarettes quotidiennes et délai entre le réveil et la première cigarette. Ce dernier item constitue le meilleur marqueur de la dépendance.
Un dosage adapté
On estime généralement qu’une cigarette apporte 1 mg de nicotine. Un fumeur doit recevoir des substituts lui amenant une dose équivalente, par exemple 20 mg/j de nicotine pour 20 cigarettes quotidiennes. La dose doit être rapidement adaptée en fonction des signes de sous-dosage (envie de fumer persistante) et de surdosage (essentiellement les nausées, et aussi palpitations, céphalées, insomnies, diarrhées, etc.) que le patient doit apprendre à reconnaître. « La prescription comprend généralement un traitement de fond par les patchs, auquel on associe des formes orales de nicotine (pastilles, gommes, inhaleur ou spray buccal) lorsque le patient ressent le besoin de fumer », rappelle le Dr Michel Underner, pneumologue et tabacologue au CH Henri Laborit de Poitiers. Il peut utiliser ces « traitements de l’urgence à fumer » jusqu’à 12 par jour, voire plus (ad libitum), tant qu’il n’existe pas de signes de surdosage.
Certaines idées reçues persistent, limitant l’usage adéquat. Il est licite de mettre plusieurs patchs pour atteindre la dose de nicotine nécessaire. Ni celui-ci, ni les autres substituts nicotiniques ne sont contre-indiqués si le patient continue de fumer. Et il est illusoire d’enlever le patch pour fumer, la nicotine étant stockée au niveau sous-cutané !
Il existe peu de contre-indications aux substituts nicotiniques, qui peuvent être prescrits aux patients cardiaques y compris après un syndrome coronarien aigu (SCA), ainsi que chez les femmes enceintes ou allaitantes.
Réduction en vue de l’arrêt
En cas d’intolérance ou d’échec avec les substituts nicotiniques, la varénicline est prescrite en seconde intention. Elle peut également y être associée.
On accepte désormais le principe d’une réduction temporaire de consommation, si la personne ne se sent pas capable d’arrêter brutalement. La diminution du tabagisme devra être accompagnée par des médicaments du sevrage (substituts nicotiniques voire varénicline) pour éviter les phénomènes de compensation. Chez les fumeurs difficiles, les « hard-core smokers », ou les personnes atteintes de troubles psychiatriques, cette phase de réduction peut être prolongée, parfois jusqu’à un an, voire plus.
Attention, le but ultime de cette stratégie temporaire, et médicalement encadrée, est bien le sevrage. Contrairement à ce que voudrait faire croire l’industrie du tabac (lire page 12), il faut rappeler que réduire la consommation de cigarettes ne diminue pas le risque de morbimortalité. Le fumeur compense en inhalant plus profondément ou plus souvent, les toxiques du tabac s’accumulent en plus grande quantité ce qui peut être objectivé par la mesure du monoxyde de carbone (CO) expiré (lire page 13).
L’e-cigarette reste-t-elle une alternative ?
En France, il était de règle de ne pas dissuader de « vapoter » pour aider au sevrage, à condition que la personne ne reste pas vapo-fumeur, une pratique particulièrement délétère, notamment sur le plan respiratoire. Mais, après les accidents mortels liés à la cigarette électronique – ou plutôt à son mésusage – aux États-Unis, l’OMS a déconseillé le vapotage, une attitude qui laissait patients et médecins désemparés. Considérant que malgré l’absence de recul sur le long terme, les émissions de la cigarette électronique contiennent moins de substances toxiques que la fumée du tabac, en France, la Société de pneumologie en langue française et les addictologues se sont finalement accordés sur un texte commun (1) gardant la cigarette électronique comme une potentielle aide au sevrage en la limitant dans le temps.
Entretien avec le Dr Michel Underner (Poitiers)
(1) http://societe-francophone-de-tabacologie.org/dl/Vape-SFT_SPLF-Moissans…
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