Dans les pays européens, sur trois patients cancéreux qui reçoivent des médicaments contre la douleur, deux rapportent que ce traitement est insuffisant et plus de 8 malades sur 10 parmi ceux qui prennent les médicaments prescrits rapportent l’existence d’accès douloureux brefs et intenses (1). Ainsi, la douleur reste sous-estimée, mal évaluée et sous-traitée.
L'OMS a publié, depuis longtemps, des échelles de la douleur avec une prise en charge par des médicaments antalgiques de plus en plus forts (2). Le palier 1 est celui des douleurs dites faibles à modérées, prises en charge par des antalgiques non opioïdes. Le palier 2 correspond à des douleurs modérées à sévères nécessitant des opioïdes faibles, et le palier 3 est celui qui décrit des douleurs dites fortes nécessitant des opioïdes forts.
Mais la survie prolongée des patients atteints de cancers ainsi que les douleurs survenant chez des patients en fin de vie peuvent rendre la prise en charge ainsi définie insuffisante, les soignants ayant alors l’impression de ne plus pouvoir rien faire. Il reste en effet difficile d’estimer avec confiance l'efficacité de l'échelle analgésique de l'OMS dans le cas de la douleur cancéreuse, en particulier en cas de douleur extrême. R. Miguel (service d’anesthésie, H. Lee Moffitt Cancer Center & Research Institute, Tampa, Floride) a ainsi évoqué la mise en place d’un «palier 4» (3). Celui-ci correspond à l’utilisation des techniques de radiologie interventionnelle (infiltrations, cimentation, thermo-ablation), qui doivent être mises en œuvre par des radiologues partenaires actifs dans la prise en charge de la douleur, et dans le cadre d’une discussion multidisciplinaire. Mais ce «palier 4» comporte également le recours aux techniques d’analgésie périmédullaire (4). Dans ce cadre, il est possible de faire appel à deux techniques. L’analgésie péridurale consiste à délivrer les antalgiques dans l’espace péridural situé en dehors de la dure-mère. Dans l’analgésie intrathécale, le cathéter est introduit dans le liquide céphalorachidien situé à l’intérieur de la dure-mère.
Ne pas intervenir trop tard
Associées aux paliers précédents, ces techniques ont une efficacité supérieure aux traitement par voie générale. Le développement de techniques antalgiques interventionnelles a crû exponentiellement, et ce développement est maintenant assorti d’une meilleure compréhension de ce qui peut ou ne peut pas être attendu de ce type de prise en charge. L’impact sur la qualité de vie est important, de même que les conséquences sur la qualité du sommeil et le repli sur soi, voire de l’espérance de vie.
L’analgésie péridurale et l’analgésie intrathécale impliquent une sélection soigneuse des patients, avec évaluation psychiatrique en dehors des cas d’urgence. Le recours à un test thérapeutique constitue un écueil et ne doit pas être retenu (il l’est toutefois aux États-Unis, car il est indispensable pour la prise en charge financière de ces techniques). L’appel à ce type de soins nécessite un travail en réseau des équipes de soins, notamment omnipraticien, oncologues, services de soins palliatifs, centre de traitement de la douleur, hospitalisation à domicile... L’essentiel est de ne pas intervenir trop tard.
(1) Breivik H, et al. Cancer-related pain: a pan-European survey of prevalence, treatment, and patient attitudes. Ann Oncol 2009; 20(8):1420-33
(2) Jadad AR, Browman GP. The WHO analgesic ladder for cancer pain management. Stepping up the quality of its evaluation. Jama 1995;274(23):1870-3
(3) Miguel R. Interventional treatment of cancer pain: the fourth step in the World Health Organization analgesic ladder? Cancer Control 2000; 7(2): 149-56.
(4) Dupoiron D, Baylot D. Spinal analgesia in cancer pain: what’s evidence and how to carry out? Douleur Analg 2013;26:158-69
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