Évaluation clinique et optimisation de la prescription

Bon usage des biomarqueurs aux urgences

Publié le 05/06/2014
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Dans la suspicion d’infarctus, la troponine – T ou I, elles ont la même performance diagnostique et pronostique – a une place centrale. De plus en plus souvent, c’est la troponine hypersensible (hs), qui s’élève encore plus précocement, qui est dosée. Ce biomarqueur recommandé désormais est plus sensible. Cela permet, s’il est négatif, de faire sortir plus vite les patients. En revanche, cette troponine hs, toujours spécifique du cœur, l’est moins de la thrombose coronaire. Elle s’élève dans diverses situations de souffrance cardiaque notamment dans les détresses respiratoires, le sepsis grave, l’embolie pulmonaire, l’AVC, l’insuffisance rénale aiguë (IR)... C’est pourquoi on fait souvent deux dosages de troponine hs à 3 heures d’intervalle, la cinétique d’élévation étant quant à elle très parlante.

Dans les dyspnées de cause non évidente, le dosage du BNP ou du NT-proNP permet d’évoquer l’insuffisance cardiaque, même s’ils ne sont pas spécifiques à 100 % de l’IC gauche – et qu’ils sont parfois difficiles à interpréter lors de polypathologie.

Quant aux D-dimères, augmentés dans la maladie thromboembolique veineuse mais peu spécifiques, ils servent surtout au diagnostic d’exclusion, en association à une probabilité clinique non forte, dans les suspicions de TVP ou d’EP. Le diagnostic positif reposant, lui, sur l’imagerie thoracique. Un travail récent suggère d’ailleurs qu’on peut gagner en spécificité chez le sujet âgé en modulant le seuil en fonction de l’âge. Passé 50 ans, le nouveau seuil devient égal à 10 ng/ml multiplié par l’âge – soit 650 ng/ml à 65 ans – plutôt que le seuil standard de 500 ng/ml (1).

Dans le diagnostic d’infection bactérienne, la procalcitonine (PCT) est plus sensible et spécifique que la CRP. Son intérêt est bien validé dans les infections respiratoires basses (décompensation de BPCO surtout). De nombreuses études d’impact ont même montré qu’elle permet de réduire de près de moitié les prescriptions d’ATB aux urgences dans cette situation. Mais dans les autres infections, tout venant, elle n’est pas validée. On fait néanmoins de moins en moins de CRP.

Enfin, la protéine S 100 best, un biomarqueur d’agression cérébrale, est élevée dans les AVC, trauma, ACR... Sa négativité dans les traumas crâniens légers (avec perte de connaissance et glasgow 15 par exemple) pourrait éviter de réaliser un scanner cérébral. Deux études françaises récentes montrent que sa négativité permet d’exclure à 99-100 % une hémorragie intracérébrale (2).

Quant à l’optimisation de la prescription, elle repose sur une bonne évaluation clinique, préalable indispensable pour ne pas sombrer dans un usage déraisonnable et contre-productif des biomarqueurs. La biologie délocalisée, dosage au lit du malade, peut en théorie faire gagner du temps, précieux notamment dans les douleurs thoraciques avec un dosage précoce de troponine. Néanmoins, dans tous les cas, avant de prescrire un dosage, il faut toujours se demander : « qu’est ce que ça va changer – ou pas – pour le patient et pour ma pratique ? ».

Entretien avec le Pr Patrick Ray (CHU Tenon, Paris)

Session EDA 08. Du bon usage des biomarqueurs aux urgences. Vendredi 16h30 Amphi Bordeaux.

(1) RighiniM. JAMA 2014; 311:1117-24.

(2) Zongo D. Ann Emerg Med 2012.

Pascale Solère

Source : Le Quotidien du Médecin: 9332