« En France, l’accès aux appareils de mesure continue du glucose (MCG) est très large, puisque la prise en charge s’étend aux patients vivant avec un diabète de type 2 (DT2) traités par insuline, ce qui fait de notre pays celui où ces patients sont le mieux équipés », se félicite le Pr Michaël Joubert (CHU de Caen). Si le dosage de l’HbA1c reste irremplaçable chez les patients non équipés de MCG, la réponse est moins claire pour les autres, au vu des discordances possibles entre les données issues de la MCG et l’HbA1c.
HbA1c, un paramètre sous influence
La fiabilité des différents marqueurs a été largement étudiée depuis une dizaine d’années. On connaît les nombreux biais liés à l’HbA1, comme les interactions avec certains médicaments ou toxiques, qui modifient en particulier la durée de vie des globules rouges (GR), dont dépend la glycation de l’hémoglobine. Si cette durée de vie est inférieure à trois mois, l’HbA1c est faussement basse, et inversement si elle est plus longue.
Autre biais récemment mis en évidence : la variabilité de la perméabilité au glucose de la membrane érythrocytaire, dont les déterminants sont mal connus. Si elle est très importante, l’HbA1c paraît artificiellement élevée, et vice-versa (1). Les différences dans la perméabilité ou la durée de vie des GR constituent des éléments déterminants des variations interethniques, mais aussi interindividuelles, de la relation entre le glucose moyen et l’HbA1c.
TIR, TAR, TITR, et les autres
Chez les patients équipés de capteurs, parmi les données recueillies sur une période minimale de quatorze jours, on s’intéresse essentiellement au temps passé à la cible (TIR pour time in range) comprise entre 70 et 180 mg/dL, au temps sous la cible (TBR pour time below range) 1 et 2, respectivement en dessous de 70 et en dessous de 54 mg/dL, au temps au-delà de la cible (TAR pour time above range) 1 et 2, à plus de 180 et à 250 mg/dL.
D’autres paramètres existent : l’indicateur de gestion du glucose (GMI pour glucose management indicator), qui est une estimation du taux d’HbA1c à partir d’un calcul fait sur le taux de glucose moyen, ou le temps dans la cible étroite (TITR pour time in tight range), entre 70 et 140 mg/dL. Chez les non-diabétiques, le TITR est de 100 %, ce qui serait donc l’objectif « ultime » à atteindre chez le diabétique (2). Un peu plus complexe, l’index de risque glycémique (GRI pour glycemic risk index) intègre les hyper- et les hypoglycémies, donnant plus de poids aux hypoglycémies profondes (3) ; ce paramètre s’adresse notamment aux patients mal équilibrés, afin d’adapter le traitement dans le but de minimiser les hypo- et hyperglycémies.
À noter cependant que certains paramètres, en particulier le TITR et le GRI, ne sont pas encore accessibles sur les plateformes commerciales, et restent du domaine de la recherche.
Lien avec les complications dégénératives
La littérature montrant la corrélation entre ces nouveaux paramètres — en particulier le TIR et le TITR — et les complications dégénératives est de plus en plus fournie (4). Si le niveau de preuves n’est pas aussi solide que pour l’HbA1c, les études menées sur des cohortes de plus en plus importantes suggèrent que, chez les patients équipés de capteurs, les critères de MCG pourraient se substituer à l’HbA1c.
Le niveau de preuves n’est pas aussi solide que pour l’HbA1c
Autre intérêt de ces données : elles permettent de cibler spécifiquement les excursions glycémiques, en hypo- et en hyper-, et d’affiner les traitements de façon beaucoup plus simple et personnalisée que l’HbA1c, qui ne donne qu’un reflet très global de l’équilibre métabolique. Les critères MCG peuvent être évalués quatorze jours après les modifications thérapeutiques, contre trois mois pour l’HbA1c, permettant une meilleure réactivité, luttant ainsi contre l’inertie thérapeutique.
À noter : si les données de MCG sont de plus en plus utilisées dans les essais thérapeutiques sur les dispositifs et constituent maintenant le mètre étalon du suivi des systèmes de boucles fermées, les agences de régulation françaises et internationales restent quelque peu en retard sur ces questions et raisonnent toujours sur l’HbA1c pour les demandes d’accès au marché.
Une place chez les DT2 non insulinorequérants
Des études commencent à mettre en évidence l’intérêt de la MCG pour les diabétiques de type 2 (DT2) non traités par insuline, mais par antidiabétiques oraux ou analogues du GLP1. Ces bénéfices sont essentiellement médiés par l’amélioration de l’hygiène de vie, sans modification thérapeutique significative : la possibilité pour les patients de visualiser les fluctuations glycémiques les amène à modifier leur alimentation et leur activité physique, et peut-être améliore leur observance thérapeutique, ce qui ouvre des perspectives intéressantes pour le remboursement (5).
Il faut cependant souligner qu’à l’échelle internationale, l’utilisation de la MCG dans le DT2 reste anecdotique, l’HbA1c restant un marqueur indispensable à l’évaluation de centaines de millions de patients.
Entretien avec le Pr Michaël Joubert, CHU de Caen
(1) Paprocki JD et al. Sci Rep 2025;15(1):2661
(2) Shah VN et al. J Clin Endocrinol Metab 2019;104(10):4356-64
(3) Klonoff DC et al. J Diabetes Sci Technol 2023;17(5):1226-42
(4) De Meulemeester J et al. Diabetologia 2024;67(8):1527-35 ; Cai J et al. Diabetes Obes Metab. 2025;27(4):2154-62
(5) Aronson R et al. Diabetes Obes Metab. 2023;25(4):1024-31
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