Quelque 13 % des enfants de 6 à 11 ans et plus de 8 % de ceux âgés de 3 à 6 ans présentent au moins un trouble de santé mentale, selon Enabee, première enquête nationale sur le sujet. Quand ils consultent un soignant (pour 40 % des 3 à 6 ans et 53 % des 6 à 11 ans), il s’agit dans la moitié des cas, d’un généraliste. Seulement un tiers se tourne vers un psychiatre ou un psychologue.
« Adresser vers un pédopsychiatre n’est pas toujours possible. Alors comment faire, en tant que généraliste, pour prendre en charge ces enfants ? », interroge la Dr Alice Perrain, membre du groupe santé mentale du Collège de médecine générale. Une question pressante, alors que le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge alertait encore en février sur « le risque de substitution des pratiques d’aides psychothérapeutiques, éducatives et sociales par le médicament et des prescriptions “faute de mieux” ». « Les stratégies médicamenteuses doivent arriver en 2e intention après une psychothérapie », indique le Dr Xavier Angibault, pédopsychiatre (CHRU de Tours et CH du Chinonais).
Psychothérapie dynamique et TCC
La Dr Perrain, généraliste en Indre-et-Loire, s’est formée pour recevoir en psychothérapie enfants et adultes. « Son efficacité est soutenue par des études scientifiques avec un haut niveau d’évidence. C’est un traitement parmi d’autres qui suppose de faire une évaluation clinique, de poser un diagnostic, et d’éliminer les diagnostics différentiels », explique-t-elle. La psychothérapie va au-delà de la psychothérapie de soutien. « Elle nécessite l’engagement du patient et de ses parents, un bon lien thérapeutique et une méthode adaptée au trouble traité », développe-t-elle. Chez l’enfant, les indications sont les troubles neurodéveloppementaux, les troubles du comportement, le trouble oppositionnel, l’anxiété et la dépression, et enfin les traumatismes relationnels.
La psychothérapie, qui fait appel au jeu, à la parole ou au dessin, est à mettre en œuvre précocement. La Dr Perrain distingue deux techniques : la psychothérapie dynamique individuelle et la thérapie cognitivo-comportementale (familiale, individuelle, ou en groupe). « Sauf maltraitance, les parents sont les meilleurs alliés », précise-t-elle.
Si le généraliste ne se sent pas en mesure de conduire la psychothérapie, d’autres ressources existent, même si le choix se fait souvent par défaut, en fonction de la disponibilité, l’accessibilité, le remboursement : centres médico-psychologiques (CMP), centres médico-psychopédagogiques (CMPP), centres d’action médicosociale précoce (Camps), maisons des adolescents, ou encore pédopsychiatres libéraux et psychologues, inscrits dans des annuaires (notamment des CPTS), ou acteurs de Mon soutien psy.
Les traitements médicamenteux en 2e intention
Parmi les traitements médicamenteux, à réserver en 2e intention, les antidépresseurs sont indiqués pour un épisode dépressif majeur (fluoxétine à partir de 8 ans), les troubles anxieux sévères (sertraline à partir de 6 ans), un trouble du stress post-traumatique, une énurésie (imipramine et amitriptyline à partir de 6 ans). « Ils sont déconseillés dans la petite enfance. La psychothérapie doit avoir été soutenue, pendant quatre à huit semaines. Il faut commencer à faible dose puis augmenter, et assurer une surveillance régulière, une fois par semaine au début », indique le Dr Angibault.
Les anxiolytiques sont indiqués dans le traitement ponctuel des manifestations anxieuses, « après psychothérapie, sophrologie ou relaxation », insiste le Dr Angibault. L’hydroxyzine est le seul traitement à avoir l’AMM à partir de 3 ans pour les insomnies liées à l’anxiété, même si des antipsychotiques de première génération (cyamémazine, chlorpromazine, lévomépromazine, propériciazine) peuvent être utilisés, hors AMM. Pour les deux familles, « Attention au risque d’allongement du QT : il faut faire un ECG pré-thérapeutique », prévient-il.
« Pas de benzodiazépine chez l’enfant et l’adolescent », rappelle le pédopsychiatre, car les effets secondaires sont majorés. « Et l’efitoxine, on oublie ! ».
Pour lutter contre les troubles du sommeil, outre l’hydroxyzine, le généraliste peut prescrire de l’alimémazine en cas de rumination ou de la mélatonine. Quant au méthylphénidate pour le TDAH, le généraliste ne peut le primoprescrire, mais il peut renouveler les ordonnances. Cinq spécialités existent : « le meilleur traitement est celui que l’enfant tolère ».
Mon soutien psy, pour les troubles modérés… en théorie
Avec Mon soutien psy, tous les patients de plus de 3 ans en souffrance psychique légère à modérée peuvent prétendre à 11 séances de suivi psychologique (sans compter l’évaluation) remboursées, en accès direct. Près de 60 000 enfants de 3 à 11 ans ont eu recours au dispositif depuis son lancement en avril 2022, dont certains avec des problèmes sévères, faute de réponse en psychiatrie. Quelque 2 % des enfants suivis sont en ALD ou présentent une pathologie psychiatrique, et 0,5 % ont des traitements psychotropes.
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