Chez l’obèse mineur

La chirurgie bariatrique «sur la pointe des pieds»

Publié le 30/09/2013
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Crédit photo : PHANIE

EN PRÉAMBULE, un mineur est une personne de moins de 20 ans dans les études internationales, même si en France on considère que l’on est mineur jusqu’à 18 ans. Selon les chiffres de l’Assurance maladie, 531 mineurs (de moins de 20 ans donc) ont subi une chirurgie bariatrique en 2009, l’immense majorité ayant entre 18 et 20 ans. Probablement pour des raisons de responsabilité juridique, l’intervention est programmée plus volontiers au lendemain de la majorité en France. Moins de 50 avaient été opérés avant 18 ans. En 2011, sur plus de 30 000 interventions, 700 concernaient les moins de 20 ans, 104 entre 15 et 18 ans, 10 les moins de 15 ans.

Si l’intervention est si peu envisagée, c’est à la fois parce qu’elle est lourde, et qu’en regard, les preuves manquent de son innocuité et de son efficacité à long terme. La chirurgie de l’obésité est ainsi contre-indiquée chez l’adolescent sauf dans des cas très particuliers, d’obésité extrêmement sévère, réservés à des centres experts. « Nous avons opéré 25 “enfants“ de moins de 20 ans, de 160 kg en moyenne, dont 19 porteurs de comorbidités naissantes, diabète de type 2 essentiellement, dont on pouvait penser par que leur espérance de vie était écrêtée… », décrit le Pr Bouillot.

Des risques opératoires non négligeables.

L’indice de masse corporelle (IMC) est a priori de plus de 40 kg/m2 (de plus de 35 en cas de comorbidité, stéatose et/ou diabète) et l’intervention est assortie d’une prise en charge médicale rapprochée, l’adolescent devant être à 95 % de la taille attendue, son développement staturo-pondéral «en fin de course» (déterminé sur l’âge osseux), et à un stade avancé de développement pubertaire.

Les risques opératoires ne sont pas négligeables : hors le décès, les complications peropératoires, il faut tenir compte des inconvénients à distance. Avec la chirurgie bariatrique, on remplace un trouble du comportement alimentaire (TCA) par une maladie iatrogène, avec des carences possibles et un traitement vitaminique notamment pour la vie entière… Difficile d’imaginer ces contraintes et cet engagement à se plier des règles ad vitam à l’âge adolescent. « On y va par conséquent sur la pointe des pieds », résume le Pr Bouillot.

Pratiquement, mieux vaut privilégier les plates-formes de prise en charge où cohabitent un service de nutrition pédiatrique, un service de nutrition d’adultes et plutôt un chirurgien d’adultes (puisque les candidats à l’intervention ont plus de 15 ans). L’expertise psychiatrique est un préalable ; il s’agit de s’assurer que les enfants comprennent la situation et la suite des évènements, de traiter l’anxiété, les TCA, de vérifier la qualité de l’environnement familial (sans qui…).

Plutôt le bypass.

Chacun des modes opératoires, anneau, bypass ou sleeve (où les 3/4 de l’estomac sont enlevés), a ses avantages et ses inconvénients. Trois fois sur quatre, c’est l’anneau qui est préféré, plus facile à poser, et à ôter, mais il est sans doute insuffisant sur les grandes obésités. Si la procédure sleeve est moins lourde qu’un bypass, elle est mutilante, définitive. On garde toutefois le même circuit digestif, ce qui réduit le risque de carences. Le bypass est à l’évidence la technique la plus efficace, réservée aux obésités très sévères assorties d’un diabète notamment. Indispensables alors, la prévention et la correction des carences vitaminiques.

D’après un entretien avec le Pr Jean-Luc BOUILLOT, Chirurgie Digestive, Oncologique et Métabolique à l’Hôpital Ambroise Paré (Boulogne)

Dr BRIGITTE BLOND

Source : Le Quotidien du Médecin: 9267