L'union fait la force. Cet adage a trouvé sa démonstration durant l'été 2023 au sein du groupement hospitalier de territoire (GHT) d’Armor qui regroupe six hôpitaux publics. À la suite de fortes tensions au sujet du fonctionnement des services d’urgence et les capacités d’hospitalisation sur l’ensemble du territoire, les établissements du GHT d’Armor ont tenu à rappeler aux usagers les bonnes pratiques - notamment l’incitation à composer préalablement le 15 -, et à communiquer largement par voie de presse sur les modalités de la nouvelle organisation. « Face à un manque de ressources médicales, nous avons veillé à ne pas mettre sous régulation plusieurs services d’urgence au même moment. Nous avons également prévenu aussi précocement que possible la population de nos contraintes d’accueil, explique Ariane Bénard, directrice du centre hospitalier (CH) de Saint-Brieuc et du GHT d'Armor. Si les établissements avaient agi de manière indépendante, plusieurs sites auraient été mis sous régulation le même jour ou la même nuit. Les patients et les soignants auraient été ainsi confrontés à une surfréquentation dans les services. »
En juillet et août, deux des quatre sites d’accueil des urgences – Saint-Brieuc, Lannion, Guingamp et Paimpol –, ont été contraints de programmer une vingtaine de nuits « sous régulation », mais n’ont enregistré aucun dysfonctionnement. « Le bilan intuitif, dans l’attente de conclusions plus formelles, est globalement satisfaisant : les patients ont été compréhensifs et les services se sont bien organisés malgré la complexité du moment. Nous avons pu compter sur un renfort important de transports sanitaires pour accompagner cette organisation. Nous avons noté une activité plus importante au Samu au mois d’août avec des pics d’activité à plus de 8 000 appels par jour », témoigne la directrice. Le service d’urgence du CH de Saint-Brieuc a également enregistré pendant ces deux mois une dizaine de pics de fréquentation – avec plus de 210 passages par jour - sans doute liés à des « effets retards » dans la prise en soins de certains patients.
Au-delà de proposer « une organisation territoriale cohérente », le GHT d'Armor apporte une réponse à un autre enjeu majeur pour notre système de soins, celui du renforcement de l’attractivité des métiers paramédicaux.
Attirer et fidéliser les professionnels
Le 6 juin dernier, une convention a ainsi été signée entre le département des Côtes-d’Armor et le GHT qui prévoit l’expérimentation pendant trois ans d’un dispositif de contrat d’allocation d’études. Une bourse de 7 500 euros sera proposée à 36 étudiants en dernière année de formation paramédicale, lesquels s’engageront, dès l’obtention de leur diplôme, à travailler pendant au moins 18 mois dans un établissement du groupement. Le conseil départemental qui finance le dispositif à hauteur de 40 % a débloqué une enveloppe de 100 000 euros. « Si nous voulons renforcer notre attractivité auprès des paramédicaux, nous devons non seulement éviter de nous faire concurrence entre établissements mais surtout développer des politiques communes qui ne doivent pas être strictement identiques mais convergentes, souligne Ariane Bénard. Le contrat d’allocation d’études a été élaboré avec les différentes directions des ressources humaines du GHT qui ont chacune listé leurs besoins. Le département n’avait pas posé comme préalable que la déclinaison soit territoriale mais c’était pour nous un élément majeur. »
Ces contrats viennent s’ajouter à un plan de mesures sociales, décidé là aussi à l’échelle du GHT et doté de neuf millions d’euros. Là encore, les différentes directions des établissements membres ont réfléchi ensemble aux mesures qu’il convenait de proposer aux professionnels pour les fidéliser. Après avoir défini un corpus de règles communes, chaque centre hospitalier les a adaptées à sa réalité de terrain et aux moyens disponibles. Comme l’exprime la directrice du GHT, l’objectif est « de travailler ensemble pour consolider le groupement. La mesure la plus emblématique est la réduction des délais de mise en stage et la résorption de l’emploi précaire des contractuels. Nous proposons aussi des parcours professionnels diversifiés grâce aux passerelles entre établissements. Cette décision répond à une attente forte des professionnels qui expriment clairement vouloir varier leurs expertises ».
Télé-expertise et systèmes d’information
Un autre point fort du travail collectif concerne la télé-expertise, dispositif particulièrement développé pendant et depuis la crise sanitaire. Pour pallier un recours inégal selon les territoires, le Dr Christophe Thébault, coordonnateur médical des activités de télésanté du GHT, a multiplié les sessions de présentation. Il a ainsi développé l’accompagnement technique auprès des communautés médicales des établissements, de la commission médicale de groupement et du comité stratégique du GHT. Ces instances particulièrement dynamiques ont aussi mis à l’ordre du jour de leurs travaux la convergence des systèmes d’information (SI). Les patients bénéficient d’un dossier médical informatisé commun à tous les établissements du GHT, garantissant ainsi la traçabilité et la sécurité des prises en charge. Mais les différentes directions hospitalières veulent aller plus loin. « Nous déployons actuellement les briques administratives avec un seul outil de gestion économique et financière. C'est aussi celui qui gère les contrats et les paies des professionnels ainsi que la gestion administrative des patients. Nous disposerons ainsi d’un SI unique d’ici un an et demi. Ce qui est assez exceptionnel à l’échelle d’un GHT », se réjouit la directrice. Elle souligne également la qualité du dialogue comme facteur de cette réussite commune. « Toutes les fonctions de direction sont organisées selon une coordination territoriale et nous travaillons les sujets ensemble. Les équipes médicales, administratives et de direction se font confiance et se parlent beaucoup. On se donne des feuilles de route et ça marche ! », conclut-elle.
(1) Les membres du GHT sont les centres hospitaliers de Guingamp, Lannion-Trestel, Paimpol, Quintin et Lamballe, Saint-Brieuc et Tréguier. Le GHT regroupe 4 600 lits et places, et emploie 7 000 professionnels.
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