LE QUOTIDIEN : Vous avez signé la pétition du Pr Grimaldi en vous engageant à préserver la Sécurité sociale. Est-elle en danger ?
VINCENT PEILLON : Oui. Depuis plusieurs années, certains ont le projet de privatiser notre protection sociale. François Fillon veut écorner ce système, il fait fausse route ! L’idée de concentrer les dépenses du petit risque sur les mutuelles – mais qu’est-ce que le petit risque ? – serait une erreur. Confier les soins courants aux complémentaires entraînerait une discrimination selon les capacités contributives et l’état de santé des Français. La Sécurité sociale est un des piliers de notre République sociale.
Vous proposez une complémentaire santé publique. Comment serait-elle financée et que prendrait-elle en charge ?
La Sécurité sociale doit continuer de prendre en charge tous les risques. Pour un certain nombre de Français se pose aujourd’hui un problème d’accès à une mutuelle.
Malgré ses qualités, l’accord national interprofessionnel (qui a généralisé la complémentaire santé en entreprise, NDLR) a exclu de son champ les personnes inactives, des chômeurs, étudiants ou retraités. Je propose la mise en place d’une complémentaire santé publique pour permettre à ces personnes d’accéder, à un coût acceptable, à une couverture de qualité. Celle-ci pourrait être proposée par l’assurance-maladie et serait financée par la solidarité avec des cotisations et la CSG.
Vous voulez desserrer la pression budgétaire sur les hôpitaux ? De quelle manière ?
L’hôpital public, excellence française, se trouve en difficulté. Dans certains territoires où la médecine libérale est elle-même en tension, l’hôpital apporte une solution à une mère dont l’enfant a 39,5°C le samedi soir. Il est normal de vouloir limiter les dépenses, mais la pression est telle sur l’hôpital qu’elle est en train de l’affaiblir.
Les personnels demandent à pouvoir accomplir leurs missions dans de bonnes conditions. Je veux augmenter l’ONDAM des hôpitaux publics en l’indexant mieux sur l’augmentation naturelle des dépenses de santé. Il est nécessaire dans le même temps de continuer les rationalisations. Je propose de revoir le fonctionnement des centrales d’achat qui renchérissent parfois les coûts. Par ailleurs, beaucoup d’hôpitaux ont eu recours à des emprunts, nécessaires pour l’innovation et l’investissement, mais remboursés à des banques françaises à des taux d’intérêt élevés. Une renégociation globale s’impose.
Le fossé s’est creusé avec les médecins libéraux, opposés notamment à la généralisation du tiers payant. Comment renouer la confiance ?
La réforme du tiers payant est importante. Je soutiens cette mesure de progrès dans l’accès aux soins et souhaite l’étendre. Mais sa mise en application pose des problèmes aux médecins. Ils doivent être levés par ceux qui en ont la responsabilité. L’assurance-maladie et les complémentaires doivent travailler à des simplifications supplémentaires. Sur le terrain, beaucoup de médecins me disent que le tiers payant est utile, mais redoutent qu’il soit chronophage et que le règlement ne soit pas assuré. Nous devons accompagner ce changement de pratique et achever cette réforme car elle est bonne.
Êtes-vous favorable au conventionnement sélectif des médecins pour lutter contre les déserts ?
Nous n’obtiendrons pas de résultat en utilisant des mesures autoritaires. La coercition creuserait la défiance entre les médecins et les pouvoirs publics. Il faut des incitations fortes. Dans les zones sous dotées, il faut faciliter le cumul emploi/retraite des praticiens en fin d’exercice. Je propose aussi d’inciter les médecins remplaçants à exercer en zone déficitaire en leur accordant une réduction de charges et un abattement de l’impôt sur le revenu. Nous devons par ailleurs veiller à ce que les projets des maisons de santé soient portés par les professionnels de santé, c’est la clé de leur réussite.
Enfin, le salariat à tout prix des médecins n’est pas la réponse absolue. Vouloir transformer le praticien en fonctionnaire est une erreur. À l’hôpital, où les médecins sont salariés, 30 % des postes de PH sont vacants…
Manuel Valls propose de supprimer le secteur II pour renforcer l’accès aux soins. Êtes-vous d’accord ?
Une option de modération des pratiques tarifaires intéressante a été mise en place pour limiter les dépassements d’honoraires lors de la dernière convention. Il faut lui donner sa chance et inciter les médecins de secteur II à y adhérer. Donner des coups de menton ne résoudra rien et serait contre-productif.
Quel est selon vous le juste prix d’une consultation médicale ?
Le montant de la consultation médicale peut sembler curieux au regard des tarifs des prestations d’autres professionnels. Mais le C sera revalorisé en mai. Les médecins ne sont pas les plus mal traités parmi nos concitoyens, même s’il y a de grandes disparités entre les spécialités ou entre le public et le privé, inégalités qu’il faut réduire. La valeur d’un médecin ne se mesure pas uniquement à l’aune de ce qu’il gagne.
J’ai été élevé par des médecins généralistes et des praticiens hospitaliers (ma mère, mon grand-père, mon oncle) et je n’ai jamais entendu parler d’argent. Quand on appelait ma mère la nuit, elle partait à l’hôpital et c’était une grande fierté. Quand on choisit d’être médecin, on n’est pas golden-boy mais on vit correctement quand même.
Pourquoi souhaitez-vous légaliser l’aide médicale à mourir ?
La loi sur la fin de vie a constitué une avancée en autorisant la sédation profonde et continue pour les patients en fin de vie. Mais nous ne sommes pas allés jusqu’au bout. Légaliser l’aide médicale à mourir me semble être un progrès des droits inexorable. Les individus veulent être davantage propriétaires de leur propre destin pendant toutes les étapes de leur vie jusqu’à la mort.
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