AUJOURD’HUI, un médicament remboursé sur quatre est un générique, qui lui-même fait partie du cycle de vie d’un médicament. Dans son rapport de septembre 2012 sur l’évaluation de la politique française des médicaments génériques, L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) rappelle que la politique en faveur du développement des médicaments génériques, lancée en France au milieu des années 1990, s’inscrit dans le cadre de la maîtrise de la croissance des dépenses de santé. Le prix des génériques est fixé selon un système de décote de celui du médicament princeps, qui a évolué pour passer de 30 % en 1997 à 60 % depuis début2 012.
Le marché des génériques a connu une forte croissance entre 2002 et 2012, leur part dans le marché des médicaments remboursables étant passé de 10 à 24 % en volume et de 5 à 13 % en valeur. L’IGAS estime à près de 10 milliards d’euros les économies ainsi réalisées durant cette période. Toutefois, le marché du générique s’essouffle depuis 2008, avec même un recul de 3 % en volume en 2 011. Parmi les divers facteurs en cause, la réticence des consommateurs, qui sont 10 % à exprimer un refus des génériques, et d’un certain nombre de praticiens, qui ont recours à la mention « non substituable ». Les enquêtes d’opinion soulignent trois grands obstacles à l’appropriation des génériques, souvent considérés comme « une copie de qualité inférieure, un médicament contrefait ou un médicament étranger. »
« Le dossier d’enregistrement des médicaments génériques a les mêmes exigences de qualité que pour le médicament princeps et les contrôles réalisés retrouvent une non-conformité dans 9 % des cas, versus 6 % pour les princeps, a précisé le Dr Jean-Sébastien Hulot. Les problèmes de qualité éventuels concernent donc aussi bien les princeps que les génériques. Les matières premières à usage pharmaceutique sont en effet aujourd’hui produites essentiellement dans des pays tiers, notamment en Inde et en Chine. »
En fait, c’est la définition même du générique qui crée la confusion. Selon l’article L5121-1 du Code de la santé publique, c’est un médicament présentant la même composition en substance active que le médicament princeps de référence, la même forme pharmaceutique, et dont la bioéquivalence avec le médicament princeps a été démontrée par des études de biodisponibilité. Ainsi, le générique n’est pas la copie conforme du princeps et peut présenter des différences portant sur la présentation (comprimé ou gélule par exemple), les excipients et la forme (sel, ester, éther, isomère…). En pratique, il existe trois types de génériques : la copie-copie, copie conforme du princeps (même substance active, même posologie, même excipient, même galénique) souvent produite par le même laboratoire ; l’essentiellement similaire, où seul l’excipient change et qui doit prouver sa bioéquivalence ; et, enfin, le médicament assimilable, qui présente des différences minimes pouvant affecter la substance active et la galénique et qui doit lui aussi prouver sa bioéquivalence. « Il s’agit d’une équivalence pharmacocinétique, mais pas une équivalence d’efficacité, a précisé le Dr Hulot. Et face à l’impossibilité de démontrer une bioéquivalence stricte, des bornes ont été définies, allant de -20 % à +25 % ».
La démonstration de la bioéquivalence ne se fonde que sur une seule étude, réalisée sur 24 à 48 volontaires sains, « qui sont le plus souvent des hommes jeunes – les femmes étant généralement exclues de ces études – et jamais des sujets malades ou âgés », a de son côté souligné le Pr Yves Juillière, qui a déclaré ne jamais prescrire de génériques ni mentionner non substituable, et laisser la responsabilité de la substitution au pharmacien. Sollicité pour donner son avis de clinicien, il estime que s’il n’y a aucun problème pour les copie-copies, il n’en va pas de même pour les similaires et les assimilables, qui peuvent laisser des doutes quant à leur équivalence d’efficacité.
Ce point est à l’origine d’un certain nombre de réticences de la part des prescripteurs, qui estiment avoir des difficultés à intégrer l’utilisation des génériques dans une démarche de variabilité du médicament. Sans compter le passage d’un générique à un autre, favorisé par la multiplicité des médicaments génériques et leur possible interchangeabilité par le pharmacien, qui pose le même problème que le passage du princeps à un générique.
Parmi les voies d’amélioration citées, « avant tout choisir préférentiellement les copies conformes et les génériques sans excipient à effet notoire. Ensuite lutter contre les changements intempestifs de génériques, en introduisant la notion de non-substitution des génériques. Rassurer sur l’utilisation des génériques et enfin accepter la possibilité de réponses inappropriées chez certains patients », a conclu le Dr Hulot.
Session « Les génériques : que faut-il en penser ? », modérée par le Pr Hélène Hanaire (Toulouse) et le Dr Damien Logeart (Paris), avec les communications du Dr Jean-Sébastien Hulot (Paris) et du Pr Yves Juillière (Vandoeuvre-les-Nancy).
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