« DEPUIS les grandes études d’intervention qui ont souligné les incertitudes quant au bénéfice d’un contrôle strict de la glycémie sur les complications cardiovasculaires du diabète, le mot-clé est devenu "personnalisation" », a indiqué le Pr Bernard Charbonnel. C’est autour de ce concept qu’ont été bâties les recommandations de l’American diabetes association (ADA) et de l’European association for the study of diabetes (EASD) (1) et reprises à son compte par la SFD qui en assure la traduction et la diffusion (2).
Cette prise de position incite le praticien à adapter les orientations de soins fondées sur les résultats des essais cliniques aux caractéristiques du patient. Le soin centré sur le patient est défini comme une démarche « destinée à apporter un soin qui soit respectueux du patient, adapté à ses préférences individuelles, ses besoins et ses valeurs, et qui fasse en sorte que les valeurs du patient guident l’ensemble des décisions cliniques ». C’est également ce que préconise la HAS (3), qui souligne que « l’objectif glycémique doit être individualisé en fonction du profil des patients et peut donc évoluer au cours du temps. »
« Ainsi, dans les deux recommandations, "the lower" n’est pas forcément "the better", et une même valeur cible pour tous doit être oubliée. La valeur cible dépend de la situation, de l’état de santé du patient, du contexte psychosocial ainsi que des moyens nécessaires pour l’obtenir. En particulier, il est licite d’être moins exigeant sur l’objectif glycémique en cas de risque d’hypoglycémies », a insisté le Pr Charbonnel. Une cible plus stricte, ‹=6,5 % est envisagée chez certains patients, ayant une faible durée d’évolution du diabète, une espérance de vie de plus de 15 ans, sans maladie cardiovasculaire significative, à condition que cette cible puisse être atteinte sans induire d’hypoglycémies et en évitant l’empilement thérapeutique. À l’inverse, des objectifs plus souples d’HbA1c, entre 7,5 et 8 % sont justifiés chez des patients à des stades plus tardifs de l’évolution du diabète, ayant des comorbidités ou lorsque l’atteinte des objectifs est subordonné à un empilement thérapeutique exposant au risque d’hypoglycémie. Chez les patients âgés, les hypoglycémies représentent l’une des principales préoccupations. « Il est intéressant de noter que l’âge retenu par la HAS est de plus de 75 ans, et non pas 65 ans comme dans la plupart des essais cliniques, et que trois types de sujets âgés sont individualisés : les personnes dites "vigoureuses", qui peuvent bénéficier d’une prise en charge comparable à celle des sujets jeunes ; les personnes dites "fragiles", pour lesquelles un objectif de 8 % est recommandé et enfin les personnes dites "malades", souvent polypathologiques, chez lesquelles la priorité est d’éviter les complications aiguës liées au diabète (déshydratation, coma hyperosmolaire) et les hypoglycémies, ce qui peut rendre acceptable un objectif d’HbA1C de 9 % », a précisé le Pr Charbonnel.
La HAS distingue deux autres cas particuliers. Les patients ayant des antécédents cardiovasculaires (avec un antécédent de complication macrovasculaire – non évoluée : objectif ‹= 7 % ; – évoluée : objectif 8 %) et ceux ayant une insuffisance rénale (objectifs individualisés en fonction du stade de la maladie).
Quelques divergences en 2e ligne.
Si les recommandations ADA/EASD/SFD et celles de la HAS sont tout à fait concordantes en matière de personnalisation des objectifs glycémiques, elles comportent quelques divergences sur la stratégie thérapeutique médicamenteuse. En première ligne, en cas d’échec des mesures hygiénodiététiques (qui elles aussi sont adaptées à chaque patient), la metformine fait l’unanimité et son utilisation chez l’insuffisant rénal est officialisée (pour une clairance de la créatinine comprise entre 30 et 60 ml/mn/1,73 m2), sous réserve d’une surveillance étroite et d’une adaptation des doses.
« En deuxième ligne, après échec de la metformine, l’ADA et l’EASD, et donc la SFD, estiment que toutes les options sont légitimes, une position qui se fonde sur l’absence de données comparatives à long terme des différentes stratégies. Les avantages et les risques de chacune des options doivent donc être pesés pour chaque patient, la bonne médecine n’étant pas le même traitement pour tous », a résumé le Pr Charbonnel. Alors que pour la HAS, « si l’objectif glycémique n’est pas atteint malgré une monothérapie par metformine, l’association metformine et sulfamide hypoglycémiant est recommandée en surveillant la prise de poids et la survenue d’hypoglycémies ». Les différentes options sont ensuite détaillées, en cas d’intolérance ou de contre-indication aux sulfamides hypoglycémiants, et pour les trithérapies et le passage à l’insuline. Avec in fine une prise en compte du coût du traitement.
« Au total, les convergences sont nombreuses et le chiffre 7 constitue un repère de bon contrôle de la glycémie. Les principales divergences portent sur la place des inhibiteurs de la DPP4 et sur celle des différentes insulines », a conclu le Pr Charbonnel.
Session « Cœur et diabète : les points forts 2012, l’analyse du diabétologue », avec la communication du Pr Bernard Charbonnel (Nantes).
(1) Diabetes Care 2012;35:1364-1379.
(2) http://www.sfdiabete.org/medical/vie-professionnelle-et-referentiels/pr…
(3) HAS Recommandation de bonne pratique. Stratégie médicamenteuse du contrôle glycémique du diabète de type 2 (janvier 2013)
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