Émergence du virus Ebola en Afrique

Le premier cas mortel est survenu chez un enfant de 2 ans

Publié le 22/04/2014
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Crédit photo : AFP

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Crédit photo : INSERM

Lorsque le 10 mars 2014 l’hôpital et les services de santé de Guéckédou et Macenta ont alerté le ministère de la santé guinéen à propos de cas groupés d’une maladie mystérieuse caractérisée par de la fièvre, une diarrhée sévère et des vomissements et conduisant le plus souvent à la mort, cela faisait probablement plus de 3 mois que le virus Ebola avait pour la première fois commencé à circuler dans le sud-est du pays.

Les premiers éléments des investigations, épidémiologiques conduites sur place par Médecins sans frontières et par les équipes locales et virologiques sur des échantillons envoyés en France (Lyon) et en Allemagne (Hamburg) permettent aujourd’hui de reconstituer le fil des événements. Ils ont été publiés en ligne dans le « New England Journal Of Medicine ».

Les premiers cas groupés

La chaine de transmission a pu être reconstituée à partir des dossiers médicaux et des entretiens réalisés auprès des habitants. Les six premiers cas ont été enregistrés dans le village de Meliandou (Guéckédou). Le cas index : un enfant de 2 ans décédé le 6 décembre, 4 jours après l’installation des symptômes. Suivent les décès de sa mère le 13 décembre, de sa sœur de 3 ans, le 25 décembre, puis de sa grand-mère le 1er janvier. Une infirmière et une sage-femme du village présentent à leur tour des symptômes fin janvier et décèdent le 2 février. À partir de ces premiers cas, le virus se propage d’abord dans les villages alentours, notamment dans la famille de la sage-femme et de la sœur de la grand-mère (venue à l’enterrement). Le virus se propage ensuite lorsqu’un agent de santé de l’hôpital de Guéckédou va se faire soigner à Macenta. Il y décède le 10 février. Le médecin qui le prend en charge meurt à son tour le 24 février. Des membres de sa famille sont touchés à Nzérékoré et à Kissidougou où ses funérailles sont célébrées. Deux frères de ce médecin décèdent le 6 et le 7 mars.

Aucun de ces cas n’a été confirmé. Les premiers prélèvements n’ont été réalisés qu’après le déclenchement de l’alerte. Ils ont permis d’identifier (PCR) le virus chez 15 des 20 patients prélevés. Le virus a de plus été isolé dans les cultures cellulaires de cinq d’entre eux. Les virus identifiés chez ces 15 patients sont génétiquement très proches, ce qui suggère d’après les auteurs Sylvain Baize et Col. « une source unique de transmission dans la population » en accord avec les données épidémiologiques.

Une analyse phylogénétique réalisée en comparant les séquences génétiques du virus Ebola isolé en Guinée (18 959 nucléotides) à 48 génomes entiers de virus Ebola connus et conservés à la Genbank* confirme que la souche guinéenne est une nouvelle souche, différente des souches impliquées dans les précédentes flambées épidémiques dans la région. Toutefois, elle partage 97 % de son génome avec des souches retrouvées au Gabon en 1994 et 1996 et en République démocratique du Congo en 1976 et 2007. Selon les chercheurs, la nouvelle souche « a évolué en parallèle » avec ses souches voisines « à partir d’un ancêtre commun récent ». Elle a probablement déjà circulé dans la région sans qu’elle n’ait été détectée. Elle a pu se transmettre à l’homme bien avant que l’épidémie n’éclate. Des investigations sont toujours en cours pour déterminer le réservoir animal. On sait que les chauves souris frugivores qui sont de possibles réservoirs, sont présentes dans la région.

Fièvre, diarrhée sévère, vomissements

Du point de vue clinique, les auteurs rappellent que les symptômes sont dominés par la triade fièvre, diarrhée sévère et vomissements et que les hémorragies étaient absentes chez la plupart des patients pour qui le diagnostic a été confirmé. L’OMS préconise d’ailleurs une nouvelle appellation : maladie à virus Ebola plutôt que l’ancienne dénomination de Fièvre hémorragique à virus Ebola plus en rapport avec la symptomatologie initiale ce qui devrait aider les médecins à mieux identifier la maladie. En Guinée, le taux de létalité parmi les cas confirmés était de 86 % dans la phase initiale. Il est aujourd’hui évalué à 71 % en tenant compte des cas suspects, ce qui est conforme aux taux observés dans d’autres épidémies.

*Banque en accès libre toutes les séquences de nucléotides.

Dr Lydia Archimède

Source : Le Quotidien du Médecin: 9320
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