« Le frein principal auquel nous sommes confrontés dans le domaine de l’allergie est celui lié à ces croyances de santé », estime le Dr Etienne Bidat, pédiatre allergologue (hôpital Ambroise-Paré, Paris), la discipline véhiculant beaucoup d’idées reçues telles que l’allergie à la pollution, le rôle du psychisme…. « Nous devons repérer ces croyances pour ne pas heurter le patient, puis les contourner, progressivement, afin d’éviter toute rupture de la prise en charge, car ces idées fausses sont plus fortes que tous nos discours ». Ainsi, comme dans toute maladie chronique, un diagnostic éducatif est un préalable nécessaire sur les connaissances du patient. Le pédiatre cite en exemple, que beaucoup de personnes sont convaincues que l’asthme de l’enfant guérit à la puberté. « Ils ne sont pas pour autant prêts à entendre que cela concerne seulement de 50% des cas. A nous d’exploiter cette idée en tenant ces propos : nous allons tout faire pour que cela guérisse à la puberté ».
Décalage entre vécu et perception
Par ailleurs, les phénomènes allergiques peuvent être très pénibles, angoissants, générateurs de craintes importantes, qu’il s’agisse d’allergie alimentaire, médicamenteuse, d’allergie aux hyménoptères, de symptômes d’urticaire, d’asthme ou d’un œdème de Quincke. D’où un décalage possible entre le vécu du patient et la perception qu’en a le soignant. « Le médecin doit tenir compte de cette grande inquiétude dans sa relation avec le patient et lui permettre de l’exprimer, l’écouter et le rassurer, explique le Dr Yves Magar pneumologue-allergologue (hôpital Saint-Joseph, Paris). Ainsi, doter un patient qui a déjà fait un œdème de Quincke d’une trousse avec de l’adrénaline ne suffit pas toujours à le rassurer, car il n’est pas si évident de s’injecter soi-même en cas d’accident ».
De plus, dans certaines affections comme la rhinite chronique ou la conjonctivite chronique, il peut exister une discordance entre la bénignité objective et le ressenti pénible, voire invalidant, des symptômes par le patient. « Le médecin ne mesure pas toujours à quel point la chronicité des symptômes peut être une source de dégradation de la qualité de vie, remarque le pneumologue. Ainsi, une rhinite allergique chronique qui perdure est souvent source de fatigue, de difficultés de concentration, de maux de tête, avec des conséquences sur la vie sociale, les performances intellectuelles ou l’humeur. Il revient au médecin de prendre en compte ce retentissement en faisant preuve de compréhension ».
Des spécialistes confrontés à la déception des patients
Lorsqu’un rendez-vous avec l’allergologue est prévu, les patients souffrant d’affection chronique d’allure allergique attendent beaucoup de cette consultation, espérant enfin trouver la solution à leur problème. Malheureusement, l’identification d’une cause allergique n’est pas toujours au rendez-vous, d’autant plus qu’il existe des rhinites, des conjonctivites, des asthmes… non allergiques. « Le médecin doit alors aider le patient à surmonter sa déception et ouvrir néanmoins sur des perspectives d’amélioration, assure Yves Magar. Ne pas trouver de composante allergique, ne signifie pas l’absence de traitement. C’est pourquoi un accompagnement du patient emprunt d’empathie est ici très important ».
Impliquer le patient dans le choix du traitement
Lorsque l’allergie est diagnostiquée, il est alors possible d’instaurer un traitement. Mais ceux-ci sont très variés : médicaments par voie générale ou locale, désensibilisation par voie sous-cutanée ou sublinguale, différentes modalités de lutte contre les allergènes, etc., et parfois contraignants. Il est donc important d’associer le patient dès le début en lui expliquant les différentes possibilités thérapeutiques pour l’aider à choisir le traitement correspondant le mieux à ses besoins et ses souhaits, au niveau de soulagement attendu. On se mettra d’accord également sur les critères d’évaluation qui serviront à juger de l’efficacité du traitement. Ils seront réévalués régulièrement dans le temps. Par ailleurs, la question de l’éviction allergénique est souvent délicate s’agissant d’animaux domestiques. Le médecin devra aborder ce point en tenant compte de la dimension émotionnelle chez le patient et son entourage ».
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