« Le diabète de type II entraîne peu de symptômes et reste quiescent pendant des années » rappelle le Pr Patrick Vexiau, chef de service de diabétologie à l'hôpital Saint-Louis à Paris, et secrétaire général de l'Association française des diabétiques (AFD). Le déni est alors fréquent, entraînant souvent un retard dans la prise en charge. La culpabilité aussi est récurrente. « Le diabète, vécu comme une maladie de l'abondance, a mauvaise réputation » poursuit le Pr Vexiau, qui ne manque pas de rappeler à ses patients qu’il s'agit avant tout d'une maladie génétique.
Alors, afin de poser les bases de la prise en charge, le plus efficace est souvent... de laisser parler le patient. Le Dr Christiane Quinio, présidente du réseau diabète REVESDIAB, commence toujours par demander au patient ce qu’il sait du diabète. Certains connaissent à peine la maladie, d'autres ont une idée précise des complications. « Plutôt que de dérouler nos connaissances médicales, mieux vaut d'abord savoir écouter, tout en corrigeant les erreurs flagrantes. Cette annonce doit permettre au patient de nous faire confiance. De même, si le patient ne connaît rien à sa maladie, je ne lui en rapporte pas immédiatement tous les effets néfastes : j'explique que le diabète abîme les vaisseaux, sans toutefois mentionner les risques de cécité ou d’insuffisance rénale. »
Une maladie silencieuse, des traitements contraignants
L'adhésion thérapeutique est particulièrement compliquée car les traitements du diabète de type 2 préviennent les complications à long terme, mais entraînent des effets secondaires à court terme. « Il faut donc traiter pendant longtemps des patients qui ne se plaignent pas de leur maladie !» s'exclame le Pr Vexiau.
Ce paradoxe, mais aussi la contrainte d’une prise quotidienne et à long terme de médicaments peuvent entraîner un refus franc et massif. « Dans ce cas, je reviens à des objectifs minimaux : même si le diabète est ancien, je propose de se laisser un peu de temps pour voir si des mesures hygiéno-diététiques suffisent, et je poursuis le dialogue » indique le Dr Quinio. Lorsque les réticences sont moins marquées, Christiane Quinio prend également le temps de dialoguer et n’hésite pas à mener plusieurs consultations avant d’instaurer une prise en charge thérapeutique. « Il s'agit évidemment d'une pathologie importante dont il faut s'occuper, mais il est rare qu'il y ait urgence » souligne-t-elle.
D’autres craintes surviennent tout au long de la prise en charge. En premier lieu, les patients s'inquiètent du passage à l'insuline. « Pour eux, cela signifie que la maladie devient grave. On peut alors leur expliquer que l'insuline permet justement d'éviter qu'on n'en arrive au stade des complications » indique le Dr Quinio. Toutefois, la peur de la douleur des injections d'insuline disparaît vite, les patients se rendent compte, après les avoir expérimentées, qu'elles ne sont pas douloureuses. L'auto-surveillance, en revanche, reste contraignante et douloureuse, malgré des aiguilles plus fines aujourd'hui.
Autres peurs : « Les patients craignent les hypoglycémies et la prise de poids, ou simplement la rigidité horaire des prises, poursuit le Pr Vexiau. Enfin, ce qu'ils perçoivent comme une 'dépendance' au produit leur pose problème. » Ici plus encore qu'ailleurs, on ne peut donc traiter le patient contre son gré.
Pour un patient expert de sa maladie
Le dialogue, instauré au moment du diagnostic, doit se poursuivre sur le long terme. « Pour cela, j’implique mes patients dans la lecture de leurs résultats d'analyses » indique le Dr Quinio. « Puis, plutôt que d'imposer des mesures, je leur demande leur avis. Je leur suggère de faire les choses à leur rythme, en particulier en terme de mesures alimentaires, ce qui s'avère généralement plus efficace ! » En cessant d'être passifs, « certains patients se transforment en véritables experts de leur diabète... parfois au point de devenir éducateur de leur médecin ! » relate le Pr Vexiau.
Fabienne Rigal
Article suivant
Préconiser l’automesure
Instaurer un dialogue à long terme
Préconiser l’automesure
Plaidoyer pour une médecine plus humaniste
Des angoisses à estimer
Un outil d’évaluation visuelle : l’échelle GEA
Expliquer l’utilité d’une prise en charge psychologique
Qu’en est-il du risque suicidaire sous isotrétinoïne ?
Gérer l’automédication
Surmonter les réticences
Travailler en réseau
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature