« Docteur, je perds la mémoire ! » Voilà une plainte qui revient souvent. Si souvent qu’il est tentant de la mettre sur le compte du vieillissement. Mais derrière ce symptôme d’apparence bénigne peut se cacher une pathologie dégénérative, la maladie d’Alzheimer en première ligne.
« C’est la maladie neurodégénérative la plus fréquente après 50 ans », précise le Dr Olivier Rouaud, neurologue et responsable de l’unité fonctionnelle Centre mémoire ressources et recherche (CMRR). Plus elle est diagnostiquée tôt, plus la dépendance peut être anticipée. D’où la nécessité d’investiguer une plainte de mémoire. « Ce n’est pas parce que c’est fréquent, que c’est banal », insiste le spécialiste. Deux situations cliniques prévalent : soit la plainte vient du sujet lui-même, soit elle vient de l’entourage. Dans le premier cas, le sujet témoigne de sa capacité à évaluer sa mémoire, c’est-à-dire de sa métamémoire. Lorsqu’elle est justifiée, cette inquiétude est bien souvent le premier signe observable d’une maladie d’Alzheimer, à un stade précoce.
Une amnésie épisodique est toujours suspecte
Ne pas la banaliser, donc, insiste Olivier Rouaud : « Lorsque le patient exprime une plainte ou une inquiétude sur sa mémoire, on se doit de la considérer. D’autant plus qu’elle survient chez un sujet de plus de 50 ans, qu’elle est constante ou progressive, qu’elle témoigne d’un changement par rapport à l’état cognitif antérieur ». On trouve plusieurs types de troubles de la mémoire. Il y a le simple « trou de mémoire » plus souvent associé à un défaut d’attention induisant un déficit d’encodage de l’information : « On descend à la cave chercher une bouteille tout en pensant à autre chose, et une fois arrivé à la cave, on ne sait plus pourquoi on y est », illustre le Dr Rouaud. Pour lui, « ce symptôme est très fréquent, quel que soit l’âge, et la plupart du temps bénin lorsqu’il est ponctuel. Cependant, s’il devient quotidien, il peut être secondaire à un dysfonctionnement des lobes frontaux comme dans l’apnée du sommeil ou la dépression ». Et puis il y a le trouble de mémoire, au sens de l’amnésie épisodique : le sujet ne parvient pas à récupérer une information encodée. C’est « toujours suspect », prévient le neurologue. « On l’observe dans les dysfonctionnements des structures temporales internes du cerveau, au niveau de l’hippocampe en particulier, zone vulnérable a la dégénérescence dans la forme typique de la maladie d’Alzheimer », explique-t-il. L’oubli d’événements ou d’informations récentes considérées comme importantes par le sujet (comme un rendez-vous chez le médecin ou une visite de famille) doivent alerter le médecin traitant et l’entourage.
Tests psychométriques
Parce que la plainte de mémoire est un symptôme subjectif, la confirmation du trouble par des tests psychométriques est indispensable. Comme l’indique le responsable du CMRR de Dijon : « Derrière une plainte de mémoire, il n’y a pas nécessairement de trouble, mais on ne peut le savoir qu’après en avoir fait la mesure. » Outre les éléments anamnestiques, le questionnaire de plainte cognitive (QPC) est la référence (1). D’autres tests de repérage, comme le MMSE éventuellement complété par le test des 5 mots, peuvent orienter le diagnostic. Si le score quantitatif compte, la considération qualitative peut être importante. Selon le Dr Rouaud, « le médecin doit être alerté si le patient se trompe de date ou oublie deux des 3 mots au rappel différé ». Sans compter que le MMSE a un effet plafond chez les sujets de haut niveau d’éducation. Si le trouble est évident, ou persistant, l’avis spécialisé est souhaitable, auprès d’un neurologue, d’un gériatre, ou dans le cadre d’une consultation mémoire.
(1) Questionnaire de plainte cognitive, Thomas Anterion et al
Diagnostic et prise en charge de la maladie d’Alzheimer et des pathologies apparentées, Recommandations de la Fédération Nationale des Centre Mémoire de Ressources et de Recherche, février 2012
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